Confucius

Les origines de l'humanisme chinois

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Conférences données à la Maison des Marronniers à Saint-Mandé les 20 janvier & 3 février 2007

Plan :

Présentation du cycle des conférences consacrées aux spiritualités de la Chine.

1° partie Confucius

I La Chine au temps de Confucius

Confucius (-551~-479) a vécu à la fin d'une période de l'histoire chinoise que l'on appelle Printemps et Automne (-722~-481). Bien entendu la Chine de cette époque reculée est bien différente de celle que nous connaissons.

- Ce n'est pas un pays unifié mais une pluralité de royaumes (12) qui entretiennent souvent des rapports conflictuels entre eux. Ils partagent néanmoins une culture plus ou moins commune dont les fondements sont une représentation du monde et surtout l'écriture. Les exemples les plus anciens que nous avons de l'écriture chinoise remontent à 20 siècles avant notre ère. Confucius est natif d'un petit pays qui s'appelle Lu (actuelle province du Shandong) et qui devait disparaître en -249. La période qui suit celle des Printemps et Automne où vivait Confucius s'appelle la période des Royaumes Combattants. Cette période précède l'étabissement d'un empire unifié sous la férule de l'empereur Qin Shi Huangdi (秦始皇帝) en -221.

- La Chine de cette époque est beaucoup plus petite que la Chine actuelle. Plusieurs royaumes se répartissent dans une zone qui couvre les bassins (du nord au sud) du Fleuve Jaune (Huanghe, 黃河) de la Huai et du Fleuve Bleu (Yangzijiang, 揚子江 ou Changjiang, 長江). Cette vaste zone culturelle représente environ deux fois la surface de la France. Pour mémoire, la Chine actuelle est à peu près 14 fois plus grande que notre pays [cartes].

II Eléments biographiques

Le nom Confucius est une adaptation latinisée de Kongfuzi (孔夫子), plus communément appelé Kongzi (孔子) : Maître Kong. Nos données biographiques proviennent essentiellement des Chroniques historiques (史記, Shiji) de Sima Qian (司馬遷 -145 ? - -86). Elles sont donc une collecte d'éléments conservés dans la tradition confucéenne et réunis 4 siècles après la disparition de Confucius, d'où la fiabilité parfois incertaine. Selon ces sources :

Naissance en -551 dans une bourgade du petit royaume de Lu. Comme repère et pour comparaison il est un contemporain du Bouddha (-563 ?) ou de Pythagore (-570) ou Héraclite (-545). Si nous connaissons les noms de ses parents, il semble qu'il y ait quelque imprécision quant à sa naissance et au lien qui unissait ses parents (différence d'âge, 70 et 15 ans, 野合). Son père était un ancien gouverneur, descendant d'une famille noble. De par sa naissance Confucius, peut acquérir l'éducation des shi, les lettrés (), classe sociale montante comprise entre le peuple et la noblesse. A 3 ans il perd son père.

Attirance pour les rites dès l'enfance.

A 15 ans, il décide de se consacrer à l'étude.

Marriage à 20 ans avec une femme du pays voisin Song. Une fille puis un fils naissent de cette union qui tourne court néanmoins.

A 23 ans il perd sa mère et observe une période de deuil de 3 ans.

-522, des disciples se rassemblent auprès de Confucius qui aspire à exercer de hautes fonctions. [image Song

-517, le souverain de Lu doit s'exiler, Confucius fuit également son pays. Il se réfugie au nord, en pays Qi dont le prince le reçoit en audience.

-501, révolte au pays de Lu. Yang le Tigre fait appel à Confucius qui ne donne pas suite. La révolte échoue.

-499, à 52 ans Confucius accède enfin à de hautes fonctions à la cour de Lu. Il est ministre de la justice (大司寇) et conseiller du prince. Succès diplomatique dans les négociations avec la principauté de Qi (pays où il s'était réfugié 18 ans au paravant). L'an suivant il démantèle les places fortes des clans puissants. Toutefois l'ascendant et les succès de ce maître d'éthique suscitent jalousie et inquiétude dans les pays voisins. Ce qui prouve qu'implicitement la justesse de ses vues était reconnue. En -497, le Qi décide de contrecarrer l'influence de Confucius auprès du prince de Lu (épisode de l'envoi de danseuses). Confucius démissionne et s'exile. C'est le début d'une longue période d'errances de 14 ans.

-496 Incident de Kouang, les autochtones le prennent pour Yang le Tigre et veulent le mettre à mort. Exemple de la vie aventureuse du lettré. Un peu dans le même registre, en -489, c'est l'intervention des troupes Chu qui le délivrent de l'encerclement de soldats Cai et Chen qui contraignaient le maître et ses disciples à la famine.

-484, les succès de son disciple Ranqiu permettent à Confucius de revenir dans son pays Lu à 68 ans. [image Enseignement]

-482, décès successifs de son fils puis de son disciple le plus proche Yanhui.

-481, suite à l'assassinat du souverain du pays voisin de Qi, Confucius demande à la cour une intervention militaire, sans résultat. Une licorne est abattue, Confucius voit dans ce dérèglement l'insuccès de la mise en pratique de ces enseignements. Il s'adonne à un travail de compilation des classiques.

-480, mort d'un autre grand disciple Zilu.

-479, décès de Confucius à 72 ans. [image Tombe]

Il résume lui-même cette riche existence de la sorte :

" A quinze ma volonté s'appliquait à l'étude, à trente ans j'étais affermi, à quarante ans délivré du doute, à cinquante ans je connaissais le décret du Ciel, à soixante ans, mon oreille se pacifia et à soixante-dix ans, en suivant les désirs de mon coeur, je n'enfreignais plus aucune règle " [image temple]

III La pensée de Confucius

On ne peut pas à proprement parler dégager un système philosophique des propos de Confucius tels que nous les trouvons dans les Entretiens. Comme le fait remarquer le disciple Yanhui, le maître est souvent imprévisible, sa pensée est très rapide. Nous essaierons donc d'examiner certains aspects de la pensée confucéenne sans pour autant, bien sûr, prétendre épuiser le sujet.

- L'humanité ou rén () : étymologie du caractère explication [homme social, l'élément fondateur n'est pas le sujet, philosophie de l'action et pédagogie]

- L'"interaction générale" et le décret du ciel : L’enseignement de Confucius est consigné par des disciples dans Les Entretiens (論語, Lunyu) qui nous montrent un personnage fin et intelligent, soucieux de remettre en pratique les codes des empereurs mythiques tels que Yao ou Shun pour rectifier les mœurs et manières de penser de ses contemporains. Confucius croit en une interaction entre tous les domaines. L’ordre humain n’est pas séparé de l’ordre naturel. Les désordres et manquements des dirigeants nuisent à tous et perturbent l’ordre naturel. Cette notion, comme d’autres issues du confucianisme, a gagné les divers courants de la pensée asiatique. Le prince reçoit le mandat céleste (天命, tianming) et, comme le signifie le caractère wang () qui sert à le désigner, il devient le pivot entre le ciel et la terre. 

Son action est civilisatrice et sa présence écarte les désastres. Mais pour ce faire, sa conduite doit être réglée. Cette pratique s’opère en régulant ses sentiments et développant sa vertu puis par cercles successifs, cette influence gagne tout le royaume. D’une façon inverse, un dirigeant aux mœurs dissolues précipite son pays dans le chaos. Il y a donc une double pratique qui est nécessaire, la connaissance de la tradition pour savoir quel modèle suivre et le perfectionnement de sa propre vertu. Les rites tiennent une importance considérable dans cette revivification des temps anciens qui est chère à Confucius (J. Levi parle à son propos de passéisme utopique, citons également le célèbre "je n'innove pas, je transmets"). La précision du langage est également fondamentale, quand les dénominations sont employées de manière erronée ou quand les personnes ne se comportent plus comme leur rang familial et social le stipule, le désordre gagne l’ensemble de la société par contagion.

La pensée de Confucius a structuré la mentalité non seulement de la Chine mais de tous les pays qui ont adopté l’écriture et la culture chinoise tel que la Corée ou le Japon. On voit difficilement quel penseur occidental préoccupé d’éthique et de politique pourrait être comparé à Confucius. A l’époque de Mao, plusieurs campagnes ont été menées pour"déconfucianiser" les chinois. Malheureusement, on a pu constater que privée de ce repère, bien souvent l’âme chinoise sombre dans un matérialisme sinistre.

IV Bibliographie

- Les Entretiens, différentes versions selon les éditeurs (Points Sagesses, Folio etc.).

- Confucius par Jean Levi (Spriritualités vivantes, Albin Michel) : Excellent.

- Confucius et l'humanisme chinois par Pierre Do-Dinh(Points Sagesses) : très intéressant.

- Confucius par Yasushi Inoué (Livre de Poche Biblio) : un roman, bonne restitution de la personnalité de Confucius et des premiers temps de son école.

V Choix de textes (3 février)

La personnalité du Maître

論語 II-4 :

Le Maître dit : "A quinze ma volonté s'appliquait à l'étude, à trente ans j'étais affermi, à quarante ans délivré du doute, à cinquante ans je connaissaias le décret du Ciel, à soixante ans, mon oreille se pacifia et à soixante-dix ans, en suivant les désirs de mon coeur, je n'enfreignais plus aucune règle."

子曰:「吾十有五而志于學,三 十而立,四十而不惑,五十而知天命,六十而耳順,七十而從心 所欲,不逾矩。」

論語 IX-11

"J'ai beau lever les yeux, il me paraît toujours plus élevé. J'ai beau creuser, il résiste toujours plus. Je crois le voir devant moi, et voilà qu'il est soudain derrière. Notre Maître est habile à nous guider. Il nous élargit avec les livres, il nous resserre à l'aide des rites. Je voudrais m'arrêter mais je ne le puis. Mon esprit est à bout de ressources et voilà que mon pied trouve prise et c'est comme si je me trouvais sur les hauteurs. Je veux le suivre, mais je perds ma peine"

顏淵喟然嘆曰:「仰之彌高,鑽之彌堅,瞻之在前,忽焉在後!夫子循循然善誘人:搏我以文,約我以禮。欲罷不能,既竭吾才,如有所立,卓爾;雖欲從之,末由也已!
      

論語 VII-20 (ou 21 selon éditions) :

De prodiges, de force, de désordre ou d'esprits, le Maître ne parlait jamais.






      
      
      
      
子不語 怪,力,亂,神。Zi buyu guai li luan shen

L'homme de bien ou le lettré

論語 XIV-33 :

Le Maître dit : "N'est-il pas un sage celui qui sans présumer qu'il sera dupé ou soupçonné de mauvaise foi, a cependant l'agilité de s'en rendre compte à temps ?"

子曰、不逆詐、不億不信、仰亦先覺者、是賢 乎。

論語 XII-2: 

Maître Zeng dit : "L'homme de bien gagne des amis par sa culture ; et par eux il soutient son humanité"

曾子曰、君子以文會友、以友輔仁。

論語 XIII-23 :

Le Maître dit : " L'homme de bien cherche l'harmonie et non la conformité, l'homme de peu la conformité et non l'harmonie."

子曰、君子和而不同、小人同而不和。

Cf. J. Levi p 85 l'exemple sur la distinction entre harmonie et conformité à propos de la préparation du potage.

論語 IV-3

Le Maître dit : "Seul l'homme pourvu d'humanité sait aimer, sait haïr "

子曰:「唯仁者,能好人,能惡人。」

論語 XIII-28 :

Zilu demande : "Quoi donc permet de définir un lettré ?"

Le Maître dit : "Tranchant, exigeance et aménité définissent le lettré. Tranchant et exigeance envers ses amis, aménité pour ses frères"

子路問曰:「何如斯可謂之 『士』矣?」子曰:「切切、偲偲、怡怡如也,可謂『士』 矣。朋

友切切偲偲,兄弟怡怡。」

L'éthique

論語 XIV-36 :

- Rendre le bien pour le mal, que pensez-vous de cela ?

- Et que rendriez-vous alors pour le bien ? Il faut répondre au mal par la rectitude et au bien par le bien.

或曰、以徳報怨如何。子曰何以報徳。直報怨、以徳報徳。

論語 XV-23 :

Zigong demande : "Y a-t-il un mot que l'on puisse prendre pour fondement toute une vie durant ?"

Le Maître dit : "Ne serait-ce pas la réciprocité ? Ce que tu ne souhaites pas pour toi, ne l'inflige pas à autrui"

子貢問曰、有一言、而可以終身行之者乎。子 曰、其恕乎。己所不欲、勿施人。

論語 XIX-14

Ziyou dit "Le deuil va au bout de la douleur et s'arrête là"

子游曰:「喪致乎哀而止。」

La voie

論語 VIII-8 :

Le Maître dit : "On s'éveille par la poésie, on s'affermit par les rites et on s'accomplit par la musique"

子曰、興於詩。立於禮。成於樂。

論語 VI-28 (ou 29 selon éditions) :

Le Maître dit : "L'homme peut élargir la voie, la voie n'élargit pas l'homme"

子曰:「人能弘道,非道弘人.


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