Les deux figures des Rois de Lumières Amour et Immuable ne sont pas sans évoquer Éros et Thanatos. Pour l’homme rouge, le Roi de Lumières Amour, le parallèle est immédiat, il incarne les passions et les désirs des hommes et il partage avec Éros l’attribut de l’arc et des flèches. Canetti voyait d’ailleurs dans la flèche une première matérialisation de l’ordre donné et l’on sait le caractère impératif de l’injonction d’amour. Cependant, par lui-même, il est loin d’être attractif comme Éros car le bouddhisme présente ses personnages qui ont un grand pouvoir sur nous sous une apparence terrifiante.

  La relation de l’Immuable avec Thanatos est moins immédiate et certaine. Son nom qui évoque l’entropie semble porter une opposition au mouvement même du vivant. Cela qui n’est plus animé d’aucun mouvement est ce que la vie a déserté. Pourtant rien dans les qualités de ce personnage n’est directement lié à la mort commune ou à quelque rite funèbre mais à cette forme d’extinction que le bouddhisme appelle nirvana. En effet il incarne la formule bouddhique « les vies et morts s’identifient au nirvana (生死即涅槃, shoji soku nehan, shengsi ji niepan) ».

   Les deux personnages représentent donc les puissances d’un combat qui vainc à la fois les forces instinctives de vie et de mort. Le Roi de Lumières Amour permet de surmonter la pression du désir charnel en utilisant son énergie pour manifester un désir plus important encore. Le Roi de Lumières Immuable représente les facultés qui font que la succession des vies et des morts qui par la perte d’identité qui leur est consécutive induit une mort de l’ego, n’est plus définitive et peut aboutir à l’apaisement. De la sorte, on peut établir un parallèle entre ces deux rois de lumières et Éros et Thanatos tout en sachant qu’il serait profondément réducteur de n’en voir ici qu’une pure transposition car les concepts qu’ils incarnent sont d’un autre registre que ceux du monde grec.