Les courants nichirenistes japonais


 Je reçois quelques questions concernant les courants nichirenistes japonais. Miaofa n'est évidemment pas le porte-parole de ces organisations. Toutefois, il m'a semblé intéressant de faire figurer ici des questions d'ordre historique.  Il va de soi que je laisse à mes lecteurs la responsabilité des sources qu'ils citent.






Thèmes :


- Shoshu et les variations des textes de ses assises

- Nam ou Namu ?

- La lecture du chapitre des Moyens




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- Shoshu et les variations des textes de ses assises

Je souhaiterais par ailleurs [...], vous poser une seconde question concernant les « méditations » telles quelles apparaissent dans le livret de pratique (Kyobon) édité par l'école Nichiren dite Shoshu avant 1990. En effet, la cinquième et dernière « méditation » (litt. : assise/socle ) de ce livret est divisée en deux parties et débute par une « assise » consacrée aux défunts « Nam Myoho Rèngué Kyo, pour que tous mes ancêtres etc.» n'est-ce pas là, au moins une influence du culte confucéen des ancêtres, au pire une concession faite au confucianisme, sans en retirer néanmoins, et à mon sens, la pertinence assurément ? Si vous pouviez me renseigner sur l'historique des méditations, leurs raisons réelles et leurs transformations éventuelles au court du temps, depuis le premier daimoku  prononcé par Nichiren, jusqu'à nos jours, je vous en saurai gré.






 A l'époque de Nichiren la pratique quotidienne n'était pas fixée. Les principaux conseils sur la forme se trouve dans le Gassui gosho. Il prône la lecture des parties longues des chapitres II et XVI. Le fait d'avoir écourté le chapitre II comme Shoshu le fait depuis environ cinquante ans n'est probablement pas une bonne chose. Pour ce qui est des assises on n'en trouve pas mention dans les textes anciens.

 Peut-être les deux premières sont relativement anciennes... Le texte de ces assises représentent les concepts les plus importants que Shoshu a souhaité intégré dans le rituel.Pour ce qui est de la cinquième :

ASSISE V

Transfert

Que les mânes de mes ancêtres des générations successives, des croyants de notre courant, de ceux dont la foi demeure encore intérieure et de ..... soient toutes toutes touchées par l'offrande de bien et obtiennent la grande bodhi. Namu Myohorenguékyo.

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Ainsi, que le bienfait s'étende de façon égale sur le monde des dharma et que soi comme autrui, apaisés, retournions à la lumière sereine.


Il est certain que nous trouvons là, comme vous le faites remarquer, une influence du confucianisme ou du moins de la pensée antique de la Chine. Cette référence aux ancêtres des générations successives n'est pas courante dans le bouddhisme indien.

Toutefois, c'est le propre aussi des écoles du Sutra du lotus que de représenter une synthèse entre des éléments des pensées indienne et chinoise. En allant plus loin on peut même dire que tous les éléments fondamentaux de ces doctrines allient des notions indiennes et chinoises. Je pense que c'est un point qui n'a pas été assez remarqué. Au début de la Transmission orale sur les significations, Nichiren nous indique que Namu est un mot sanskrit. De même sur les honzon de Nichiren les seuls mots qui ne sont pas écrits en chinois le sont dans une langue, le siddham, qui permet de trancrire le sanskrit. Pour nous qui utilisons une langue qui comme le sanskrit, fait partie du groupe des langues indo-européennes, le fait de pouvoir ajuster et comparer les provenances chinoises et indiennes des concepts bouddhiques permet une appréhension plus juste.














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- Nam ou Namu ?

J’aurais souhaité savoir pourquoi l’usage veut que l’on récite nam myoho renge kyo et non pas nammu myoho renge kyo. Alors que Nichiren insiste dans ses écrits sur l’importance de chaque caractère.






La plupart des écoles (notamment N. Shu) prononcent Namu Myohorenguékyo, certaines (dont N. Shoshu) disent Nam Myohorenguékyo. Lorsque la récitation se fait un peu plus rapide, on n'entend pas le u de Namu. En effet, prononcé un peu rapidement, on a du mal à effectuer clairement la répétition mu-myo et on arrive assez naturellement à Nam Myohorenguékyo.

La prononciation 'standard' des deux premiers caractères, en sino-japonais actuel, est Namu. Toutefois dans la prononciation du sino-japonais, il arrive souvent lorsque deux syllabes commencent par la même consonne et que la première d'entre elles se termine par le son u ('ou' en français), que cela entraîne un redoublement de la consonne. Ainsi par exemple gaku + ko donne gakko. C'est l'usage qui prime. Cet usage varie selon l'époque et parfois le lieu.

Dans le cas de Namu Myohorenguékyo, de ce que j'ai vu, sous forme écrite, la lecture des idéogrammes est Namu mais certaines écoles se référant à leur propre tradition prononcent (oralement) lors de la récitation Nam. Pour ma part, dans les traductions de textes bouddhiques que j'effectue, j'écris toujours Namu Myohorenguékyo avec Namu car je ne vois pas comment en syllabaire japonais on pourrait rendre Nam. Libre ensuite à chacun de la prononcer comme cela lui semble juste lors des pratiques.

Je ne connais pas de textes anciens prônant une prononciation plus qu'une autre. Ceci dit, nous n'avons pas d'idées du son que produisait la lecture des idéogrammes Namu Myohorenguékyo à l'époque de Nichiren. Nous supposons seulement qu'à cette époque, le sino-japonais devait être plus proche qu'aujourd'hui de langues tonales comme le chinois dont il est issu. Ainsi des essais (forcément hypothétiques) qui ont été faits pour parvenir à une diction de la langue classique française et notamment de textes de Racine, nous font entendre une langue différente sur de nombreux points de la nôtre et qui évoque pour nous une sorte de patois assez rugueux... En extrapolant, le problème va au-delà de Nam ou Namu, la prononciation de Namu Myohorenguékyo il y a sept siècles de cela était probablement différente par certains points de la façon dont nous prononçons actuellement.

J'ai souvent été surpris par la tendance en Occident à considérer Namu Myohorenguékyo comme un mantra, comme une formule magique. Je n'ai pas constaté la même chose au Japon car, de par les idéogrammes, Namu Myohorenguékyo ou du moins Myohorenguékyo est signifiant (Namu est une translittération). Rappelons que les mantra ressortissent d'une tradition bouddhique différente de celle du Lotus, et qu'une présentation hâtive qui a été faite ici du bouddhisme de Nichiren comme un moyen d'exaucer les désirs par la récitation d'une incantation magique n'est qu'une mauvaise carricature. Si Namu Myohorenguékyo était une sorte de formule magique, effectivement tout ne tiendrait qu'au son produit. Considérer Namu Myohorenguékyo de la sorte revient à en vider le sens. Or, comme nous l'enseignent nos textes, chacun des caractères de Myohorenguékyo est riche de sens extrêmement profonds et le vocable Namu permet d'énoncer la volonté de dédier sa propre vie.






- La lecture du chapitre des Moyens


- D'abord, pourquoi le chapitre Hoben a été coupé ?

- Et puis pourquoi lire la totalité? je dis pas qu'il faut pas le lire en entier sachant surtout ce qui est écrit a la fin de Hoben, mais ça me turlupine. Je pense que je t'ai deja posé la question..sorry, si tu pouvais m'éclairer.


- A l'époque de Nichiren, y avait il les méditations? si non, par qui ont elles été écrites et dans quel but? est il possible d'envisager une pratique sans elles? si non, pourquoi.






Les questions que tu poses à propos de la liturgie sont importantes, je vais tacher d'y répondre brièvement mais il y aurait beaucoup à dire sur ce sujet.


Dans les écrits de Nichiren qui sont parvenus jusqu'à nous, il donne assez peu d'informations quant à une liturgie précise. Il conseille de lire des parties du Sutra du lotus et d'en réciter le Titre. Une lettre de Nichiren, Gassui gosho, traite de ce point : « Sans s'égarer, quels sont les chapitres du Sutra du lotus que l'on doit dire en premier ? Parmi les vingt-huit chapitres, ceux des Moyens et de la Longévité sont primordiaux et magnifiques ; les autres ne sont que feuilles et branches1. Aussi dans notre pratique usuelle devons-nous nous entraîner à la version longue du chapitre des Moyens ainsi qu'à celle du chapitre de la Longévité... Ainsi, toujours doit-on considérer ces deux chapitres ; pour tous les autres, c'est selon le temps libre dont on dispose »(Showa teihon p 290).


C'était l'opinion de Nichiren. Il emploie le terme version longue (jogo, 長行), jo : long, go : colonne (le japonais s'écrivant verticalement et donc en colonnes). Le terme désigne donc une partie conséquente et donc pas abrégée d'un chapitre du Lotus. Selon une tradition bouddhique ancienne, appliqué au chapitre des Moyens, ce terme renvoie à la partie du texte qui va presque jusqu'à la fin, c'est à dire tout le chapitre sauf la dernière partie versifiée (jusqu'à la page 78 dans la traduction de J. N. Robert). Si l'on s'arrête à nyoze honmakkukyoto, cela ne peut être qualifié de ' version longue'.


Pourquoi certains ont-ils jugé bon de tronquer ce deuxième chapitre ? Je ne peux évidemment pas répondre à leur place. Des informations que j'ai pu rassembler sur ce sujet, il apparaît qu'il s'agit là d'une pratique assez récente (deuxième moitié du vingtième siècle), sans doute une volonté d'uniformisation et de simplification du rituel. La lecture du chapitre des Moyens intégrant la partie Seo, suivi de la lecture complète du chapitre de la Longévité, la récitation du Titre et enfin les méditations me semblent une pratique plus harmonieuse que la pratique répétitive qui se fait d'ordinaire.


Toutefois nous devons nous interroger sur les raisons pour lesquelles Nichiren n'a pas codifié de manière stricte la pratique dans son courant. Je crois que l'important est le soin, la compréhension et l'implication que l'on apporte à la lecture du Sutra. Dans la même lettre de Nichiren que j'ai citée précédemment il explique que les oeuvres et vertus liées à la lecture du Sutra sont les mêmes que l'on récite tout le Sutra, un rouleau, un chapitre, une stance ou juste un mot... Ce qui change c'est donc notre coeur et notre volonté d'accomplissement.


A propos des méditations, je ne sais si elles étaient effectuées à l'époque de Nichiren, probablement pas sous leurs formes actuelles. La troisième est d'une facture sans doute plus récente que les deux premières, les textes ont beaucoup évolué. Déjà un lecteur m'avait questionné sur ce point (cf. Shoshu et les variations des textes de ses assises)


En tout cas, elles formulent des principes fondamentaux des doctrines bouddhiques et permettent de clore la pratique quotidienne dans le recueillement.

1 Par rapport au tronc de l'arbre.



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