Lettre à Niike










Quelle joie pour nous que d'être nés en cette époque de la propagation de la Fin de la loi1 ! Quel dommage qu'en ces temps des hommes ne croient pas en ce sutra2 !

Parmi ceux qui ont reçu la vie dans le monde des hommes3, qui donc peut se soustraire à l'impermanence ? En ce cas, pourquoi n’agissons-nous pas en vue de notre existence future ?


   Si l’on observe attentivement les choses du monde, on constate que tous s'opposent à l’esprit du Sutra tout en ayant à la bouche les paroles de foi et aux mains les rouleaux du Sutra. Il leur est donc bien difficile d’éviter les mauvaises voies.
 
  Ainsi tous les hommes possèdent cinq organes
4, que l’un d'entre eux soit altéré et la maladie se déclare, pouvant alors affecter les autres et finalement entraîner la mort. A ce sujet, le Grand Maître Dengyô5 dit : "Bien qu'ils louent le Sutra du lotus, paradoxalement, ils en détruisent le cœur". Cette phrase signifie que l’on a beau garder, lire ou louer le Sutra du lotus, si l’on s’oppose à l’esprit, cela revient à tuer le Vénéré Shakya6 et les Bouddha des dix directions7.


Ainsi, en ce monde, nos mauvais actes et méfaits s’élèvent comme le mont Sumeru8 mais, le jour où nous rencontrons ce sutra, ils fondent comme gelée blanche au soleil du Sutra du lotus. Cependant, si l’on commet ne serait-ce qu'une ou deux des quatorze offenses9 à la loi du Sutra du lotus, alors ces méfaits seront difficiles à dissiper. Et cela parce que même la destruction de tous les êtres émotionnels10 qui peuplent un grand trichiliocosme11 ne saurait valoir en gravité la faute que représente le meurtre d'un bouddha. S’opposer à l’esprit de la Fleur de la loi revient à tuer tous les Bouddha des dix directions. Ceux qui enfreignent ce commandement sont appelés les hommes de l’offense à la loi.

Redoutez l’enfer, c’est une demeure de feu. Compatissez aux esprits affamés, poussés par la faim, ils dévorent leurs propres enfants. Pour les asura il n'est que disputes et combats ; et parmi les animaux, ceux qui ont pu survivre s’entretuent encore12.

Il est un enfer que l'on appelle Lotus écarlate. Harcelé par le froid intense qui y règne, on se recroqueville et le dos se rompt, alors la chair jaillit semblable au lotus rouge. Que dire alors de l'enfer du Grand lotus écarlate ? Rendu en ce lieu sinistre, le rang de roi ou de shôgun ne signifie plus rien. L’apparence de ceux que les gardes infernaux y tourmentent ne diffère en rien de celle de singes que l'on ferait parader. A ce moment-là, que sont devenus la renommée, la fortune, l'orgueil et les attachements ?

Réfléchissez, si, animé de l'inconcevable volonté d'accomplissement13, vous faites don, juste une fois, au moine qui sait le Sutra du lotus, alors vous ne vous égarerez plus jamais dans les mauvaises voies. A plus forte raison, même la sagesse du Bouddha ne perçoit que difficilement les œuvres et vertus14 qui découlent des offrandes répétées dix ou vingt fois ou pendant cinq ou dix ans ou durant toute la vie. Le Bouddha nous a enseigné que les œuvres et vertus qui résultent d'une seule offrande au pratiquant de ce sutra surpassent infiniment ceux que procurerait l’offrande immédiate au Bouddha Shakyamuni de trésors accumulés durant huit milliards d'éons15.

Au contact de ce sutra, la joie est si forte que les larmes viennent aux yeux et nous avons grand-peine à témoigner toute notre gratitude au vénéré Shakya. Alors, les dons que souvent vous me faites parvenir jusqu'en ces montagnes expriment votre reconnaissance envers le Sutra du lotus et le vénéré Shakyamuni.

Efforcez-vous plus encore et ce sans la moindre négligence. Tous semblent avoir la foi lorsqu'ils commencent à croire en ce sutra. Mais progressivement leur foi s'émousse. Ils ne respectent plus les moines et ne font plus d’offrandes. Ils deviennent orgueilleux et nourrissent des vues fausses. Comme c'est effrayant ! Du début à la fin renforcez votre foi ; faute de quoi vous n’aurez que remords.

Ainsi le voyage de Kamakura à la capitale se fait en douze jours de marche. Si on renonce après onze jours de voyage, faute d'une journée on ne pourra admirer le clair de lune baignant la capitale. Quoiqu’il arrive, approchez le moine qui sait le cœur de ce sutra et écoutez de lui, au fur et à mesure, les principes de la loi. De la sorte, vous accomplirez le voyage de la foi.

Quand on voit comme tout ce qui a passé n’est plus, on pressent sa propre fin. Les amis avec qui nous admirions les fleurs dans les matins de printemps, avec les fleurs ont été emportés par le vent de l'impermanence. Seuls les noms demeurent encore mais non ceux qui les portaient. Les fleurs ont été dispersées mais elles écloront de nouveau au printemps. Mais ceux-là qui se sont éteints, dans quel temps les reverrons-nous ?

Les amis avec lesquels nous nous plaisions à chanter la lune les soirs d'automne, se sont perdus avec elle dans les nuées du composé16 et seule leur image muette demeure encore. Bien que la lune ait disparu derrière les montagnes de l'ouest, nous pourrons l'admirer encore cet automne. Mais comme il est troublant d’imaginer où demeurent maintenant ceux qui nous ont quittés ?

Nous entendons le feulement du tigre de l'impermanence se rapprocher et nous n’en sommes pas même surpris. Combien de jours encore le mouton destiné à l'abattoir suivra-t-il le chemin de l'impermanence ?

Dans l'Himalaya, l'oiseau Froide Douleur souffre cruellement de l'âpreté du froid de ces régions. Dès l’aube, il se jure bien de se bâtir un nid mais quand le jour se lève, le soleil matinal le réchauffe et il s'endort en oubliant sa résolution. Faute de construire un abri, il passe sa vie à piailler en vain.

Pour tous les êtres, il en va de même. Quand ils sont cernés par les flammes de l'enfer, ils espèrent renaître sous forme humaine et délaisser toute chose pour se consacrer aux offrandes aux trois trésors17. Bien qu'ils aspirent à favoriser l'Eveil dans l'existence suivante, s’il leur arrive de renaître dans le monde des hommes, le vent de la renommée et de la fortune souffle violemment et éteint sans peine la lampe de l'ascèse de la voie bouddhique. Pour les choses vaines ils dépensent tous leurs biens sans compter mais, et ce n’est pas insignifiant, ils se montrent bien plus regardants quand il s'agit de faire un don, même minime, au Bouddha, à la loi ou aux moines. De la sorte ils rivalisent avec les sbires infernaux. C'est ce que l’on appelle un doigt de bien pour une toise de maux.

En outre, comme ce pays est devenu terre de l'offense à la loi, les bonnes divinités tutélaires18 privées de la saveur de la loi ont déserté leurs sanctuaires pour regagner le ciel. Alors des démons se sont substitués à elles pour conduire la multitude. Les Bouddha ont cessé de convertir et sont repartis vers la Terre de la lumière sereine19. Alors, contre toute attente, les temples, pagodes, monastères et sanctuaires sont devenus demeures des artifices démoniaques20 et les vagues de leurs toitures ne valent que par les dépenses de l'état et les larmes du peuple. Il ne s’agit pas là de mes propres paroles ; cela est dit dans les phrases des sutra, sachons-le.

Tant les bouddha que les dieux ne daignent jamais recevoir les dons des offenseurs de la loi. Comment alors, en tant qu’hommes pourrions-nous les accepter ? Dans les Oracles de la grande divinité lumineuse de Kasuga21, il est stipulé que celle-ci se nourrirait de cuivre fondu plutôt que d’accepter les offrandes d’hommes au cœur souillé. Il est dit aussi qu’elle s’assiérait sur un siège de cuivre incandescent plutôt que de pénétrer dans la demeure d’hommes au cœur impur ou qu’elle se tiendrait sur une galerie où croissent les herbes ou sous un auvent de chaume. Et de même, elle ne se rendrait pas chez des incroyants quand bien même ceux-ci suspendraient durant mille jours des guirlandes mais visiterait plutôt un foyer de croyants lourdement endeuillés22.

Ainsi les bonnes divinités en pleurant sur ce pays de l’outrage à la loi ont regagné le ciel. Ce que l’on appelle « le cœur impur » représente ceux-là qui n’adhèrent pas au Sutra du lotus. Cela est enseigné dans le cinquième volume. Les offrandes de ceux qui offensent la loi doivent être considérées comme du cuivre incandescent. Même pour les divinités, il en est ainsi et à plus forte raison, nous autres, hommes ordinaires, pourrions-nous avaler des flammes ? Enfants d’hommes, accepterions-nous ce que voudraient nous procurer ceux qui auraient tué nos parents ? S’ils le faisaient, même les sages ou les saints ne pourraient se soustraire à l’enfer sans répit. Gardez-vous alors de les approcher et redoutez la faute de complicité23.

Le vénéré Shakya est le père, le seigneur et le maître de tous les bouddha, de toutes les divinités et de la congrégation des êtres humains et célestes24. Si l’on tuait ce vénéré Shakya, les bonnes divinités des multiples cieux s’en réjouiraient-elles ? A présent tous les hommes de ce pays sont devenus ses ennemis.

Plus encore que les laïques, hommes ou femmes, tous ces maîtres de la loi25 à la sagesse pervertie sont des ennemis acharnés. Il existe deux sortes de sagesse, l’une est juste et l’autre erronée. Et l’on ne doit pas suivre des principes faux quand bien même ils proviennent d’un sage. Ne frayez pas avec ces moines précieux ou importants. Et, même s’il est misérable, honorez celui qui sait la teneur du Sutra comme s’il était le corps vivant de l’Ainsi-venu26. Telles sont les phrases du Sutra.

Ainsi, selon le grand maître Dengyo, les hommes et les femmes qui croient en ce sutra, même s’ils sont dénués de sagesse et oublieux des défenses, doivent prendre place sur des sièges plus hauts que les moines qui observent les deux cents cinquante commandements du Petit Véhicule27. Cela vaut, à plus forte raison pour les moines de ce sutra du Grand Véhicule28. Les hommes et femmes qui croient en ce sutra doivent être placés en meilleur rang  que le moine Ryokan29 que l’on considère comme le corps vivant de l’Ainsi-venu.

Ce même Ryokan aux deux cent cinquante préceptes a été pris de fureur quand il a rencontré Nichiren, et ses yeux fulminaient de colère. Cela n’est pas insignifiant, c’est l’action du démon sur le corps de ce sage. De même, un homme doté d’un bon naturel peut se montrer détestable sous l’emprise de la boisson, voire causer du tort à autrui.

Le Bouddha a enseigné que faire des offrandes à Kaçyapa30, Shariputra31, Maudgalyayana32 et consorts, tels qu’ils apparaissent dans les sutra antérieurs au Lotus, amènerait à chuter dans les trois mauvaises voies car leur cœur ne vaut pas mieux que ceux de chiens ou renards33. Pour les quatre grands auditeurs34 la façon dont ils respectaient les deux cent cinquante préceptes était comparable au diamant et leur observance des trois mille règles à la lune le quinze du mois ; toutefois avant qu’ils ne reçoivent le Sutra du lotus, il est fait mention d’eux en de tels termes.

Que dire alors de nos contemporains qui leur sont bien inférieurs ? La façon dont les moines des temples Kenchoji35 et Enryakuji36 ont détruit la discipline et les préceptes évoque une montagne effondrée et leur inconduite vis-à-vis des règles les faits ressembler à des singes. Il serait vraiment absurde de leur faire des dons en imaginant cela salutaire pour la prochaine existence.

     Il ne fait nul doute que les bonnes divinités tutélaires ont abandonné ce pays. Autrefois devant le vénéré Shakya, les multiples cieux, les bonnes divinités, les bodhisattva et les auditeurs d’une seule voix ont prêté serment disant que si une nation s’opposait au Sutra du lotus, ils se transformeraient en gel et grêle au mois de juin pour affamer le pays ou, sous la forme d’insectes, ils dévoreraient les cinq céréales37 ou alors ils provoqueraient la sécheresse ou deviendraient de grandes eaux pour noyer rizières et champs ou ils seraient le typhon qui souffle et détruit la population ou encore, se changeant en démons, ils amèneraient l’affliction. C’est ce que chacun d’eux déclara. Le grand bodhisattva Hachiman38 y était présent. Pourrait-il ne pas être effrayé de rompre le serment du Mont sacré39 ? Un tel parjure le vouerait immanquablement à l’Enfer aux souffrances incessantes. Comme c’est effrayant !

Jusqu’à présent, l’envoyé du Bouddha n’est certainement pas apparu en ce monde pour propager ce sutra. Les souverains du pays n’avaient donc pas loisir d’en devenir les opposants. Ils se contentaient d’apporter une égale considération aux choses religieuses.

Mais maintenant que requis par le Bouddha je propage ce sutra, du plus haut jusqu’à la multitude du peuple, tous s’opposent à la loi. Le bodhisattva Hachiman40 avait fait en sorte que les habitants de ce pays ne fussent point ennemis du Sutra du lotus et il lui était difficile de les abandonner de même que l’on ne peut haïr l’un de ses enfants. Mais craignant le parjure du serment du Mont sacré, il a brûlé et balayé ses autels puis regagné le ciel. Néanmoins, que se manifeste un pratiquant du Sutra du lotus qui n’épargne ni son corps ni sa vie et il reviendra se placer sur sa tête.

Si la divinité Tensho Daijin41 et le grand bodhisattva Hachiman sont repartis au ciel, comment les autres divinités pourraient-elles demeurer dans leurs autels respectifs ? Et même si elles le voulaient, je le leur reprocherais en leur rappelant le serment du Mont sacré et dans la journée elles devraient se raviser. Ainsi un voleur tant qu’il n’est pas découvert peut habiter à sa guise ici ou là. Mais si quelqu’un le sait et se met à l’annoncer à tous, il doit quitter sa demeure sur-le-champ. De la même façon, de mon fait, les divinités ont déserté leurs temples et, contre toute attente, ce pays est devenu un repaire de mauvais esprits et de démons. Comme c’est effrayant !

Beaucoup ont propagé les enseignements sacrés, cependant, ce principe essentiel n’a pas même été révélé par Dengyo ou Tiantai42. C'est tout à fait normal car il devait être propagé par le bodhisattva Pratique Supérieure43 lors des premiers cinq cents ans de la Fin de la loi.

Réfléchissez bien, quoiqu'il en soit, cette fois-ci croyez fortement en ce sutra et à la fin de votre vie mille Bouddha se porteront à votre rencontre pour vous conduire à la terre pure du Mont sacré où vous serez à même de recevoir la joie de la loi. Cependant, une faible foi ne vous permettrait pas de devenir le Bouddha. En ce cas, vous ne pourriez m'en tenir rigueur. Ou alors vous seriez comparable à un malade qui, ayant absorbé le poison qu'il aime plutôt que le remède prescrit, devant l'absence de guérison, haïrait son médecin au lieu de s'en prendre à lui même,.

La foi en ce sutra consiste à en suivre les phrases sans y mêler la moindre de ses opinions personnelles ni les paroles d'autrui. Alors si l'on ne s'oppose pas à quelque partie que ce soit du Sutra, on devient le Bouddha. Si l'on récite Namu Myôhôrenguékyô et rien d'autre, tout naturellement on obtient les trente-deux marques44 et les quatre-vingts caractéristiques45. Puisque le Bouddha lui-même a déclaré « égal à moi, sans différence46", nous deviendrons simplement un bouddha comme le Vénéré Shakya.

Ainsi, l'œuf d'un oiseau ne contient tout d'abord que du liquide, mais de lui-même il devient bec, œil et autres, jusqu'à permettre l'envol. Nous-mêmes, œufs de l'obscur, nous présentons une piètre apparence. Mais, pour peu que nous soyons réchauffés par cette mère qu'est la récitation de Namu Myôhôrenguékyô, le bec des trente-deux marques point et les plumes des quatre-vingts caractéristiques apparaissent. Alors nous nous élançons dans le ciel du véritable aspect de la pure ainsité47.

A ce sujet, il est dit dans un sutra : « Tous les êtres demeurent dans l’œuf de l’obscur et sont dépourvus du bec de sagesse. Le Bouddha, mère oiseau, de retour au nid ancien de la Demeure commune des diversités, brise la coquille de l’œuf de l’obscur afin que tous les êtres oiseaux quittent le nid pour s’élancer dans le vaste ciel de la véritable ainsité de la nature de la loi48 ».

Le principe que l’on désigne par «doté de connaissance et dénué de foi »désigne ceux qui ont la compréhension mais non la foi. Ils ne peuvent devenir le Bouddha alors que ceux auxquels se réfère « doté de foi et dénué de connaissance » n’ont pas la compréhension mais ils ont foi et eux deviennent le Bouddha. C’est le sens de ce sutra et non mes propres allégations.

Dans le deuxième volume il est dit : « c’est par la foi que tu as pu y pénétrer... ce n’est pas le lot de leur propre sagesse49 » ; même Shariputra dit le Premier par la sagesse n’a pu devenir le Bouddha qu’après avoir reçu et gardé ce sutra et raffermi sa foi. Il nous est enseigné que sa propre sagesse ne permet pas de devenir le Bouddha. Et même Shariputra, ce n’est pas grâce à sa sagesse qu’il devint le Bouddha. Bien plus encore pour nous les êtres, même si nous parvenons à assimiler quelques fragments de la doctrine, sans foi, vouloir devenir le Bouddha semble insensé.

Il nous est enseigné que les êtres des âges derniers50 qui ont une connaissance parcellaire de la doctrine, méprisent les moines et font peu de cas de la loi, tombent dans les mauvaises voies. La preuve de la compréhension de la loi se manifeste par le respect envers les moines, l’adoration de la loi et les offrandes au Bouddha. Actuellement le Bouddha n’est plus. Vénérez comme un bouddha celui chez qui apparaît la sagesse d’éveil et vous y gagnerez en vertu.

Ceux qui se préoccupent de leur vie future doivent abandonner renommée et profit et vénérer comme le corps vivant de l’Ainsi-venu le moine apte à enseigner le Sutra du lotus même si c’est un miséreux. Et c’est bien ce que dit le Sutra.

De nos jours le Zen51 s’oppose aux cinq vertus fondamentales que sont l’humanité, la justice, la bienséance, la sagesse et la sincérité52. Et ce sont ces principes communs à la fois aux classiques internes et externes53 qui font que l’on honore la haute vertu des sages, que l’on respecte les vieillards et que l’on prend soin des enfants.

Cependant si l’on observe ce clergé, il apparaît que ceux qui jusqu’à hier ou aujourd’hui encore n’étaient que rustres campagnards et peinaient à distinguer le noir du blanc, dès lors qu’ils revêtent la robe brune, sont pétris de suffisance, méprisent les sages de haute vertu du Tendaï ou du Shingon54, ne suivent pas les rites et estiment mériter de siéger en plus haute position. Se comportant sans vergogne en public comme s’ils étaient seuls55 ils se révèlent inférieurs aux animaux.

A ce sujet, nous lisons chez le grand maître Dengyo que les loutres ne sont pas dénuées de respect envers leurs proies, que les corbeaux dans les bois portent de la nourriture à leurs père et grand-père, que les pigeons observent trois branches de bienséance, que le vol des oies sauvages est ordonné et que les agneaux s’inclinent avant que de téter. Il lui semble donc que de la sorte, même les animaux frustres ont quelque aptitude à la bienséance et il se demande comment se ferait-il alors que les mœurs humaines en soient dépourvues. Il est normal que ces prêtres zenistes se soient égarés dans les enseignements ; ils ne connaissent pas même la morale des hommes. Leur conduite ne s’apparente-t-elle pas à celle de démons célestes malfaisants56 ?

Approfondissez bien ces principes et accomplissez les choses sans négligence en ayant présente à l’esprit l’œuvre aux huit volumes et aux vingt-huit chapitres57. Aussi lorsque vous désirez ardemment me rencontrer, au fil des jours révérez le soleil, alors je ferai que mon image s’y reflète.

  Donnez à entendre cette lettre au moine58 qui vous visite de ma part, considérez qu’il possède la sagesse d’éveil et interrogez le bien sur les principes. Sans questions comment dissiper les sombres nuées des égarements ? Sans jambes comment parcourir une route de mille lieux ? Toujours, lisez cette lettre, relisez-la encore, écoutez en l’enseignement.


Comme je vous reverrai, je n’ai pas écrit trop en détail.



Avec mes respects


Troisième année Koan59, deuxième mois                                         Nichiren60


    Au Sire Niike








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1 Mappo, mofa : Sur cette doctrine bouddhique de la fin de la Fin de la loi on se rapportera à la Vie et l’œuvre de Huisi, Paul Magnin, Publications de l’Ecole française d’Extrême-Orient, 1977. p 157 « le règne de chaque Buddha est en effet supposé divisible en trois périodes, l’une dans laquelle la loi prospère à la fois dans la lettre et l’esprit (période de la Loi correcte saddharma, zheng fa), l’autre dans laquelle elle garde sa forme extérieure mais manque de contenu (période de la Loi de ressemblance xiang fa), la troisième où la forme elle-même disparaît (période du déclin de la Loi ou Loi finale mofa) ».

2 Kono kyo : Il s’agit comme généralement quand Nichiren emploie cette expression du Sutra du lotus. A propos du Sutra du lotus, présentation et traduction en français, cf Sutra du Lotus traduction de Jean-Noël Robert, Fayard 1997.

3 Ningai, lenjie : Monde des hommes. Cinquième des dix mondes de dharma. Selon Zhiyi (538-597), on distingue dix sortes de mondes auxquels appartient chacun des êtres : le monde de l’enfer, le monde des esprits affamés, le monde des animaux, le monde des asura, le monde des hommes, le monde du ciel, le monde des auditeurs, le monde de l’éveil relatif, le monde des bodhisattva, le monde des bouddha. Dans le cycle des vies et morts, l’existence se perpétue toujours dans les six premiers mondes. L’existence dans ce monde qui serait le nôtre, se caractérise par une liberté plus grande vis à vis des contingences immédiates, ce qui n’est pas le cas dans les mondes inférieurs tels que l’enfer ou le monde des animaux. Naître en ce monde est déjà porteur de conditions d’existence meilleure voire de la possibilité de rencontrer la loi bouddhique.

4 Gozo, wuzang : On traduit également souvent par Cinq viscères. Conception de la médecine et de la philosophie chinoise traditionnelle. Il s’agit du cœur, du foie, de la rate, des poumons et des reins.

5 Nom honorifique et posthume de Saïcho (767-822), fondateur de la branche Tendaï au Japon ; pour une biographie de Saïcho cf Les doctrines de l’Ecole japonaise Tendaï au début du XI° sècle, Jean-Noël Robert Editions Maisonneuve et Larose 1990.

6 Appellation religieuse et honorifique du Bouddha Shakyamouni, le fondateur du bouddhisme.

7 Jippo no sho butsu : Abréviation de Jippo funjin no shobutsu, les bouddha du corps fractionné des dix directions. Il s’agit des bouddha qui apparaissent pour convertir les êtres et qui représentent une projection (un fractionnement) dans les dix directions du corps du Bouddha. Les dix directions désignent le déploiement de l’espace nord, sud, est, ouest, nord-ouest, nord-est, sud-est, sud-ouest, zénith et nadir.

8 Shumi : le mont Sumeru qui dans la cosmologie indienne est l’axe du monde. Situé au centre des quatre continents, gouvernés chacun par un grand roi du ciel, il est la demeure d’Indra le dieu suprême.

9 Jushi hobo, on trouve également souvent l’expression de sens très proche hibo. Il s’agit de quatorze actes mentaux qui sont opposés à l’esprit du Sutra du lotus. Ils apparaissent dans le cinquième volume du Fahua wenjuji, Notes sur les phrases et les mots de la fleur de la loi, du Chinois Zhanlan (717-782), courant Tiantai. Il s’agit selon cet auteur des quatorze causes du mal, à savoir l’orgueil, l’indolence, l’égocentrisme, la superficialité, l’attachement aux désirs, le manque de discernement, l’incroyance, le refrognement, le doute, la médisance, le mépris du bien, la haine du bien, la jalousie envers le bien et le ressentiment à l’égard du bien.

10 Ujo, youqing : les existence dotées d’affectivité tels les animaux. Terme opposé à hijo, feiqing, apathique, ce qui est dénué de sentiments par exemple les minéraux.

11 Ichidaï sanzenkaï littéralement Un grand monde de trois sortes de mille. Sans entrer trop dans le détail mille « petits » mondes forment un monde moyen. Un « petit » monde serait plus ou moins un équivalent de notre monde dans la représentation indienne antique. Mille mondes moyens forment un grand monde. Plutôt donc que trois mille mondes nous avons mille mondes à la puissance trois.

12 En fait nous avons là une énumération des quatre premiers mondes : enfer, esprits affamés (certaines traductions donnent « démons affamés »), animaux et asura (traduit souvent par Titans). Notons que dans ce passage le quatrième monde, les asura, est mentionné avant le troisième.

13 Kokorozashi. Difficile de trouver un équivalent exact. L’expression signifie intention, volonté, résolution aspiration. Etymologiquement, l’idéogramme chinois est formé de la racine du cœur (l’esprit) surmontée d’un caractère qui tient lieu de l’ancienne graphie qui signifiait aller. Le tout ensemble signifie donc ce vers quoi tend le cœur. Nichiren a utilisé ce mot dans différentes lettres ; parfois le sens semble très proche de foi ou conviction. Nous trouvons dans le Hakumaï ippio gosho : «... pour un homme ordinaire, devenir le Bouddha, cela revient à comprendre le mot que l’on prononce kokorozashi »

14 kudoku, gongde, guna. Les œuvres représentent les actions méritoires que l’on accomplit et la vertu ce que l’on en retire. Autres traductions : biens spirituels, mérites.

15 Ko, gong, kalpa. Translitération abrégée du sanscrit. le mot kalpa désigne une période de temps très longue. Différentes paraboles en expriment l’étendue. Par exemple, celle où il est dit que si, une fois par siècle, on déposait dans une cité carrée de mille li de côté un grain de sénevé, quand bien même on aurait recouvert toute la surface, l’éon ne serait pas achevé. L’éon désigne également chacune des quatre périodes cosmiques de formation, de stabilisation, de destruction et d’inexistence d’un univers ; ce cycle est appelé un éon majeur.

16 Uï, youweï, samskrta. Ce qui est formé, composé. Au mot à mot, ce qui existe par formation. Les multiples phénomènes apparaissant par production conditionnée sont donc impermanents. Dans cette perspective il s’agit à la fois de ce qui est produit et « productif ». Termes opposés muï, wuweï ou bien musa le non productif, l’une des qualités du Bouddha. Il y aurait d’ailleurs une réflexion intéressante à mener dans une comparaison entre les conceptions qui dominent actuellement où la productivité semble une qualité insigne et la pensée bouddhique qui estime que tout ce qui est produit est à la fois périssable et dénué de nature propre.

17 Sanbo, sanbao, triratna. Ce par quoi le courant bouddhiste existe à savoir le Bouddha, la loi (dharma, la doctrine bouddhique), la communauté des moines (sangha).

18 shugo no zenjin. Divinités qui protègent la loi bouddhique et ceux qui la pratiquent. Le bouddhisme n’étant pas à proprement parler une religion théiste, il s’agit le plus souvent de divinités vénérées avant l’apparition du bouddhisme, par exemples les dieux du brahmanisme ou des animismes ou shamanismes locaux, qui ont été incorporés dans le panthéon bouddhique. Pour comprendre la suite de la phrase, il est dit que ces divinités tutélaires se nourrissent de la saveur résultant de la pratique de la loi bouddhique. Dès lors, si ce n’est plus la loi correcte qui est pratiquée dans leurs sanctuaires, elles les abandonnent et retournent dans les cieux qui sont leur demeure naturelle.

19 Jakkodo, jiguangtu. Abréviation de « Terre de la lumière toujours paisible ». Quatrième parmi les quatre sortes de terres bouddhiques définies par l’école Tiantai. C’est la terre véritable des bouddha où existe le corps du dharma. Sa particularité est d’être perpétuellement baigné d’une douce clarté. Sur ces quatre terres et leur relation avec les quatre derniers de dix mondes cf. le traité de Nichiren Le principe d’Une pensée trois mille dans Devenir le Bouddha éditions Arfuyen 1993.

20 Maen no sumika. Maen artifices utilisés par les démons (ma) pour égarer et empêcher la pratique du bouddhisme. Sumika demeure, lieu d’habitation. On perçoit le sens global mais c’est difficile de traduire d’une façon directe car sumika se réfère à un être ou un individu et maen à une action.

21 Kasuga daïmyojin.. Divinité tutélaire du clan des Fujiwara dont le sanctuaire se trouve à Nara (Kasuga se trouve dans la partie est de Nara).

22 Chofuku shinko. Je ne comprends pas bien l’expression. Chofuku signifie le port durant une année de vêtements de deuil après le décès des parents ou de l’époux (l’expression keïfuku elle évoque les vêtements que l’on porte cinq mois pour le deuil d’autres membres de la famille). Shinko signifie d’un sens profond ou un profond sentiment de compassion.

23 Yodozaï. Il s’agit de la faute « passive » que commet par exemple celui qui accepte des dons de ceux qui offensent la loi ou qui ne les réprimande pas. Une lettre de Nichiren traite de ce sujet cf G. Renondeau La doctrine de Nichiren Publications du musée Guimet PUF 1953.

24 Ninden daikai. Ce rassemblement des êtres des cinquième et sixième mondes, c’est-à-dire les hommes et les dieux, se produit lorsque le Bouddha commence d’exposer sa doctrine.

25 Hosshi. fashi, dharma bhanaka. A l’origine, moine connaisseur de la doctrine, capable de l’enseigner et se livrant à une pratique exemplaire. Par la suite le terme a désigné un rang élevé de la hiérarchie monacale voire un titre honorifique.

26 Nyoraï, Julai, tathagata. L’un des dix titres honorifiques du Bouddha, « celui qui est parvenu à la réalité, celui qui nous en est revenu », « celui qui est venu ainsi ».Ces termes signifient que le Bouddha atteste de la réalité, mais aussi qu’il est venu en ce monde pour le salut des êtres. Dans le texte nous trouvons l’expression shoshin no nyoraï qui désigne la manifestation corporelle du Bouddha tel qu’il a pu apparaître à ceux qui l’ont rencontré.

27 Shojo, xiaosheng, hinayana. Terme péjoratif donné au bouddhisme des anciennes écoles par les tenants du mahayana ou Grand Véhicule. Ses adeptes préfèrent utiliser pour se désigner le terme Theravada « Doctrine ou Opinions des Anciens » d’autant que les autres écoles du Petit Véhicule sont pratiquement éteintes. Cette forme de bouddhisme se fonde sur les anciennes Ecritures en pali. Le Petit Véhicule est encore présent à Sri Lanka, en Birmanie, en Thaïlande, au Cambodge et au Laos.

28 Daïjo, dasheng, mahayana. Nom que se donne l’école réformiste recherchant le salut par des méthodes plus universellement applicables que celles des écoles anciennes. A l’idéal monastique de l’arhat elle oppose celui du bodhisattva que sa compassion porte à rechercher le salut des êtres autant que le sien propre. Les écoles du Grand Véhicule se sont implantées en Chine, en Corée, au Japon, au Tibet, au Vietnam et en Mongolie.

29 Ryokan bo. (1217-1303) Originaire du Yamato, à dix ans il commence l’apprentissage monastique. Ordonné à vingt-quatre ans dans la tradition Shingon, il opte par la suite pour le courant des Préceptes (Ritsu) qu’il contribue à rétablir. Il s’installe en 1261 à Kamakura où il bénéficie de la protection du clan Hojo. Au temple Gokurakuji, il met en place des institutions charitables pour les nécessiteux. Il fait partie de ces moines qui tentent d’amener la pluie lors d’une période de sécheresse particulièrement longue et qui échouent alors que Nichiren, lui, réussit. Il semble qu’après ces évènements il ait voué à Nichiren une rancune tenace qui influa sur les persécutions qui touchèrent le nouveau courant nichirénite.

30 Kasho. L’un des dix grands disciples du bouddha Shakyamuni, le premier pour la pratique des austérités. Figure également parmi les quatre grands auditeurs. Il supervise après la mort du Bouddha le premier concile qui permit de rassembler les enseignements du Petit Véhicule et joue un rôle essentiel dans la nouvelle communauté.

31 Sharihotsu. L’un des dix grands disciples du bouddha Shakyamuni, le premier pour la sagesse. Figure également parmi les quatre grands auditeurs. Issu d’une famille de brahmane Magadha, il recherche l’enseignement de différents maîtres novateurs de l’époque jusqu’à ce qu’il rencontre un disciple du Bouddha. Avec son ami Maudgalyayana qui avait suivi le même parcours, il se convertit au bouddhisme et devient un des principaux disciples. Il meurt victime de persécuteurs.

32 Mokuren. L’un des dix grands disciples du bouddha Shakyamuni, le premier pour les pouvoirs surnaturels. Figure également parmi les quatre grands auditeurs. Ami d’enfance de Sariputra, cf note précédente.

33 L’assertion peut surprendre. On peut y voir les échos lointains des reproches qu’en Inde, les tenants des nouvelles écoles du Mahayana, le Grand Véhicule, adressaient aux anciennes écoles. En fait ces grands auditeurs, malgré leur sagesse insigne, avant l’enseignement du Sutra du lotus, ne pouvaient devenir le Bouddha.

34 Shi daï shomon. la liste des quatre grands auditeurs subit quelques variations selon les sutra. On trouve donc réunis outre Kaçyapa, Shariputra et Maudgalyayana, d’autres disciples éminents tels Katyayana ou Subhuti.

35 Kenchoji. Monastère de Kamakura d’obédience Rinzaï. Sa construction débuta la première année de l’ère Kencho (1249) d’où son nom.

36 Enryakuji. Temple principal du Tendaï près de Kyoto sur la hauteur du Hieïzan. Ses bandes de moines armés qui échappaient complètement aux autorités religieuses du temple étaient particulièrement turbulentes et furent à l’origine de nombreux désordres et exactions jusqu’à leur défaite par les troupes de Oda Nobunaga qui incendia le temple en 1571. Il ne fut reconstruit que partiellement et son pouvoir s’affaiblit.

37 Gokoku, wuku. Les cinq sortes de céréales : le riz, le millet glutineux, le millet non glutineux, le blé et les haricots. Egalement terme générique pour désigner les céréales et les grains.

38 Hachiman daï bosatsu. A l’origine divinité shinto appelée grande divinité lumineuse (daïmyojin ) Hachiman, il s’agissait d’une divinité agraire. Durant l’ère de Nara, lors de la construction du grand bouddha du temple Todaïji, son aide est invoquée et un rapprochement commence de s’opérer avec les croyances bouddhiques. Hachiman devient une sorte de divinité nationale. Au début de l’ère Heiän le titre de grand bodhisattva lui est conféré. Il représente un exemple du syncrétisme du bouddhisme et du shintoïsme qui s’opère alors. On trouve même des statues qui le montrent sous l’apparence d’un moine. Son culte s’étend, il est vénéré comme l’un des fondateurs de la dynastie impériale puis comme protecteur des guerriers (bushi) et en tant que tel est représenté armé d’un arc. Son culte prend une importance nationale.

39 Ryosen abréviation de Ryojusen, Grdhrakuta, le mont sacré du Vautour où a été enseigné le Sutra du lotus. Egalement traduit par pic du Vautour, des Vautours, des Aigles etc. L’origine est incertaine, la forme du sommet évoquerait une tête de vautour ou bien il y aurait eu sur une montagne voisine un lieu où l’on abandonnait les cadavres d’où la présence de rapaces charognards. La première raison semble plus poétique et l’on imagine mal le Sutra du lotus être enseigné à proximité d’un charnier.

40 Dans le texte japonais, le sujet de la phrase n’est pas mentionné. Par souci de clarté j’ai rajouté « Le bodhisattva Hachiman ».

41 Tensho daïjin on peut prononcer également Amaterasu Omi kami, littéralement la grande divinité qui illumine les cieux. Divinité tutélaire du Japon dont le sanctuaire est à Ise et qui serait à l’origine de la lignée impériale. Cette divinité du soleil apparaît dans de nombreux contes et a été incorporée parmi les bonnes divinités protectrices du bouddhisme.

42 Il s’agit de Zhi Yi (538-597). Moine chinois qui établit sur le mont Tiantai (région du Zhejiang) un monastère. Disciple de Hui Si, il développa un enseignement original extrêmement vaste. Grand commentateur du Sutra du lotus dont il établit la prééminence, il agença un système de classifications très poussé ainsi que des séries de pratiques mentales. Cf Mélanges chinois et bouddhiques,Chih-I par Léon Hurwitz Institut Belge des hautes Etudes Chinoises, Bruxelles 1962.

43 Jogyo, Shanxing, Visistacaritra Traduit également « Conduite Supérieure ». Guide des bodhisattva qui apparaissent dans le quinzième chapitre du Sutra du lotus : Surgis de la terre. Dans ce chapitre les bodhisattva qui assistent au prêche du Bouddha lui annoncent leur volonté de répandre les enseignements du Lotus après sa mort. Le Bouddha les en dissuade en leur apprenant que ce monde contient déjà intrinsèquement des bodhisattva qui seront capables de sauvegarder et de prêcher le Sutra du lotus. Effectivement, la terre tremble alors et à la stupéfaction de l’assemblée, une multitude de bodhisattva admirables qui auront pour tâche de propager le Lotus après la disparition du Bouddha surgit de son sein. Ces bodhisattva sont conduits par Pratique Supérieure puis Pratique Infinie, Pratique Pure et enfin Pratique Ferme.

44 sanjuni so. Les trente deux signes caractéristiques que présentent le corps du Bouddha. Leur signification doit être de l’ordre de la métaphore.

45 hachiji shugo .Liste disparate de qualités et de signes distinctifs des corps des bouddha et bodhisattva.

46 p 81 Sutra du Lotus traduction Jean-Noël Robert, Fayard 1997, p 176 Myohorenguékyo Taisekiji han 1955.

47 Jisso shinnyo, shixiang zhenru. Notion issue du bouddhisme Tiantai et élaborée par Zhiyi en se fondant à la fois sur des notions issues tant de son propre courant que du nagarjunisme. Cet aspect réel des choses fait que la réalité apparaît sous une « triple évidence harmonieuse (enzoku santaï, yuanrong sandi) » : évidence de la vacuité kutaï,kongdi, évidence de la temporalité ketaï, jiadi et évidence du milieu chutaï, zhongdi. C’est-à-dire que l’observation des choses montre, selon les doctrines du Grand Véhicule, une absence de nature propre, tout résulte de la production conditionnée, c’est l’évidence de la vacuité ; elle montre également un aspect provisoire et éphémère, tout se modifiant sans cesse, c’est l’évidence de la temporalité. Ces deux évidences coexistent et les phénomènes sont perçus dans cette double vision simultanée. Un système qui ne développerait que l’une de ces deux vérités serait partial. L’observateur lui-même se tient « au milieu » de ces deux concepts et les intègre ensemble. Dès lors, il n’est plus un simple observateur qui décrit un objet extérieur. Il participe de cette triple réalité à laquelle renvoie l’expression « triple évidence harmonieuse ».

Le Deuxième terme, pure ainsité, renvoie à un commentaire de Xuanzang (602-664) des Trente stances du Rien que conscience de Vasubandhu dans lequel il dit : « Pure signifie véritable, ce qui se révèle sans illusion, ainsi désigne ce qui apparaît sans changement de façon pérenne ». Dans le bouddhisme, la vision de l’Eveil correspond à ces caractéristiques.

48 Hossho shinnyo, fashen zhenru. Cf. note précédente.

49 p 120 Sutra du Lotus traduction Jean-Noël Robert, Fayard 1997, p 240 Myohorenguékyo Taisekiji han 1955.

50 Matsudaï. Il s’agit de cet âge final où les capacités et les vertus des hommes sont amoindries. Cf. note sur Fin de la loi, mappo, mofa, première phrase du texte

51 Rappelons que le bouddhisme zen a commencé de se développer au Japon de façon autonome au treizième siècle. Le premier temple de la branche ancienne du Rinzaï a été fondé en 1202 et Dogen est revenu de Chine pour fonder la branche Soto en 1227. Nichiren a donc assisté à l’émergence de ce nouveau courant qui, notamment dans ses rapports avec la doctrine écrite et les sutra, heurtait ses convictions.

52 Gojo, wuchang. Cinq vertus fondamentales du confucianisme.

53 Naïgeten. Interne signifie ce qui relève de l’enseignement bouddhique et externe les autres sources. Par exemple dans ce passage il est fait allusion au confucianisme.

54 Les écoles Tendaï et Shingon ont été introduites toutes deux au Japon au VIII° siècle. Toutes deux ont repris les noms et les enseignements de deux écoles chinoises le Tiantai et le Shenyuan. Le Shenyuan ou école des mantra ou des paroles vraies a développé des tendances ésotériques voire magiques. Il a été introduit au Japon par Kukaï également connu sous le nom honorifique de grand maître Kobo. Sur les relations difficiles entre les fondateurs des deux écoles cf. Les doctrines de l’Ecole japonaise Tendaï au début du XI° sècle, Jean-Noël Robert, Editions Maisonneuve et Larose 1990 pages 19, 20.

55 Il est amusant de remarquer que c’est exactement ce que Xénophon reprochait aux Mossynèques qu’il juge pour cette raison le peuple le plus barbare (Anabase Livre V Chapitre IV).

56Tenma hajun. Littéralementle démon céleste Hajun. Hajun (sanskrit Papiyas) désigne un roi démon du monde des désirs. Il réside au sixième (et dernier) ciel de ce monde ce qui laisse à penser que l’on peut l’identifier au Roi démon du sixième ciel qui empêche de quitter le monde du désir pour accéder au monde de la forme selon la cosmologie bouddhique.

57 Ichibu hakkan nijuhappon. Le Sutra du Lotus est découpé en huit volumes et vingt-huit chapitres.

58 D’après le Fuji nenpio (Fuji Gakurin 1990), il s’agirait de Nikko qui à cette époque se serait rendu auprès de Niike. Nikko (1246-1333) a été l’un des principaux disciples de Nichiren dont il fut toujours très proche et avec qui il partagea de nombreuses épreuves. Il a fait partie des six moines aînés à qui les destinées de l’Ecole ont été confiées. Nikko a rédigé plusieurs Kuden, instructions orales, qui représentent ses notes lors de l’enseignement du Sutra du Lotus par Nichiren. Il a fondé le temple Taisekji (1290) puis le Honmonji (1298). Plusieurs branches du courant nichireniste actuel se réclament de lui, notamment Nichiren Shoshu et Nichiren Honshu.

59 Koan sannen. L’ère Koan, littéralement Vaste paix, commença en 1278 et ne dura que dix ans. La troisième année correspond donc à 1280.

60 Signature Kao (monogramme fleuri).