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            Lettre de Sado 
 
 
 
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| Cette lettre est adressée aux seigneurs Toki[1], Saemon le Troisième[2], au sire nyudō Dixième d’Ōkuratō no Tsuji[3], aux autres ainsi qu’à la dame nonne Sajiki[4]. Que tous en partagent la lecture. Transmettez-moi les noms de ceux qui périrent lors des combats de la capitale et de Kamakura. Faites-moi également apporter, quand certains feront la traversée jusqu’en ce lieu, les Recueils profanes[5], le volume II des Mots et Phrases[6], le volume IV de l’Occulte[7], en entier, ainsi que les Conseils et édits[8]. 
    
                Dans ce monde, les choses qui épouvantent l’homme sont le cœur
                du brasier, l’ombre de l'épée et la mort de son corps.     
              Le Bouddha a enseigné : "Répandre et couvrir les trois mille
              grands mille mondes avec les sept joyaux ne saurait équivaloir
              l'offrande de son petit doigt aux sutra bouddhiques[9]"    
              Le Garçon des Monts Enneigés[10]
              jeta son corps dans le vide et l'aspirant Délectation de la Loi[11]
              se dépouilla de sa propre peau. Et puisqu'il n'est rien que l'on
              estime plus que le corps et la vie, si l'on en fait don pour
              apprendre la loi bouddhique alors, assurément, on devient le
              bouddha.    
              Celui qui renonce à son corps et à sa vie, se pourrait-il qu’il
              lésine sur les trésors à offrir à la loi bouddhique ? Et
              celui qui rechigne à employer pour elle ses richesses serait-il
              capable d'offrir sa vie ?    
              Même selon les lois de ce monde, c'est au prix de la vie que l’on
              témoigne d’une profonde gratitude ; et ceux-là qui abandonnent
              leur vie pour leur suzerain sont plus nombreux qu'il n'y paraît. 
                Les hommes délaissent leur vie plutôt que d'encourir le
              déshonneur et les femmes renoncent à la leur pour leur homme.     
              Le poisson veut sauvegarder sa propre vie et comme il s'inquiète
              de la faible profondeur de l'étang, il creuse un trou au fond.
              Mais trompé par l'appât, il gobe l'hameçon.     
              L'oiseau niche dans l'arbre mais il s'effraie de la faible hauteur
              de celui-ci et remonte dans les branches faîtières. Toutefois,
              abusé par un leurre il s'empêtre dans le filet.    
              Il en est de même pour les hommes. Pour les choses superficielles
              de ce monde ils perdent leur corps et leur vie alors qu'il leur
              est difficile de les abandonner pour cette chose fondamentale
              qu'est la loi bouddhique. C'est pourquoi pas un ne devient le
              bouddha.     
              Dans la loi bouddhique c’est en fonction de l’époque que l’on doit
              opter soit pour la captation accommodante[12]
              soit pour la persuasion coercitive[13].
              Ainsi est-ce comparable aux deux voies séculières que sont les
              lettres et les armes. De la sorte, les grands sages d’autrefois
              pratiquaient  la loi
              selon leur temps. Quand il fut dit au Garçon des Monts Enneigés et
              au  prince Sattva[14]
              que s’ils faisaient don de leur vie, la loi leur serait enseignée
              car la pratique de bodhisattva s’accomplissait de la sorte, ils
              abandonnèrent leur corps.     
              Devrait-on abandonner son corps alors que nul n’en réclame la
              chair ? Dans un monde où il n’y a pas de papier, on fait de
              sa peau un parchemin et dans une époque sans pinceau on écrit avec
              ses os[15].
                  
              A une époque où la destruction ou l’ignorance des préceptes sont
              honnis et où l’on applique les préceptes et l’usage de la loi, on
              doit respecter scrupuleusement les commandements.    
              Le jour où il est fait obstruction aux enseignements de Shakya en
              usant des doctrines confucéennes ou taoïques, il faut sans faire
              cas de sa propre vie, en débattre avec le roi comme le firent les
              maîtres de la loi Daoan[16],
              Huiyuan[17],
              Fadao des Trois corbeilles[18]
              et d’autres. Lorsque dans les enseignements de Shakya, Petit et
              Grand Véhicules, sutra provisoires et véritables se trouvent
              mélangés et confus sans que l’on ne puisse plus distinguer la
              perle de la caillasse on doit, à l’instar des grands maîtres
              Tiantai, Dengyo et d’autres, fermement séparer le grand du petit,
              le véritable du provisoire et le secret du révélé.     
              La nature des animaux consiste à menacer le faible et à redouter
              le puissant. Les érudits de notre temps leur sont bien
              comparables. Ils méprisent un sage sans pouvoir mais craignent la
              partialité de l’action du monarque. Voila bien ce que l’on appelle
              de serviles courtisans. On reconnaît un homme valeureux à ce qu’il
              soumet un puissant ennemi. Quand un roi mauvais veut détruire la
              loi juste et  que les
              moines des lois perverses se rangent à ses côtés afin de perdre un
              sage, l’homme dont le cœur se révèle alors semblable à celui du
              roi lion, sans aucun doute devient le bouddha. Il en est ainsi
              pour Nichiren. Dire cela n’est point vanité mais prouve plutôt la
              force de l’estime que l’on porte à la loi juste.  L’orgueilleux quant à lui, manifeste un cœur pusillanime lorsqu’il est confronté à un puissant adversaire. Ainsi Le prétentieux Asura rapetissa son corps jusqu’à le dissimuler dans un lotus de l’Étang des Ardeurs froidies[19] quand Brahma le réprimanda. 
    
              Pour ce qui est de la loi juste, un mot, une phrase, s’ils sont en
              concordance avec le temps et avec les dispositions, permettent
              assurément de posséder la voie. Mais il s’avèrerait inapproprié
              d’étudier mille sutra et dix mille traités, pour peu qu’ils ne
              soient pas en adéquation avec le temps et les dispositions.    
              Depuis la bataille de Hōji[20]
              vingt-six années ont passé et cette année encore, les onzième et
              dix-septième  jours du
              deuxième mois, des combats ont éclaté.     
              Les mauvaises gens ainsi que ceux des voies extérieures sont
              difficilement capables de détruire la loi juste de l’Ainsi-venu.
              Les disciples du bouddha eux, sans nul doute, peuvent y parvenir. 
                De même dit-on que le parasite dans le corps du lion
              ronge le lion. Il est peu probable qu’un homme aux grands
              bienfaits soit brisé par ses ennemis mais plutôt par ceux de son
              intimité.     
              C’est bien ce que le Sutra de Maître es Remèdes[21]
              évoque à propos du fléau des séditions internes[22].
              Le Sutra du souverain vertueux dit : « Lorsqu’un
              sage se retire les sept fléaux[23]
              se produisent forcément ». Et, dans le Sutra de Lumière
                d’Or il est dit : «Ce qui provoque la fureur dans
              chacun des trente-trois cieux tient à ce que le roi de ce pays
              fait le mal à sa guise et ne gouverne pas ».     
              Quand bien même Nichiren ne serait pas un sage[24],
              mais puisqu’il reçoit et garde[25]
              le Sutra du lotus de façon conforme, il est semblable à un
              sage. Ainsi les faits, qu’en connaissance des voies de ce monde il
              a consignés, ne peuvent se démentir. Puisque ses paroles
              concernant notre temps actuel se vérifient alors n’ayez pas de
              doute pour votre existence future.    
              Nichiren est le pilier[26]
              de ce clan du Kantō[27],
              il est la lune et le soleil, il est l’écaille de tortue et le
              miroir[28],
              il est les yeux. Ainsi ce à quoi nous avons assisté, c’est ce que
              Nichiren a crié quand le douzième jour du neuvième mois il fut en
              butte à la fureur des autorités : si l’on bannit Nichiren, il
              est certain que les sept fléaux se produiront. A peine soixante et
              cent cinquante jours virent ces paroles confirmées. Ce ne furent
              que des rétributions en fleurs, mais combien plus se
              lamenteront-ils lorsqu’elles deviendront des fruits.    
              Les sots dans notre société se disent «Et si Nichiren était
              vraiment un sage, pourquoi devrait-il subir les persécutions
              royales ?» En fait Nichiren savait depuis longtemps ce à quoi
              il serait confronté[29].    
              Il y eut un fils qui frappa ses parents, c’était le roi Ajātasatru[30] ;
un
              autre tua et répandit le sang d’arhats et du Bouddha, il
              s’agissait de Don des Dieux[31].
              Six grands feudataires du roi le félicitèrent et Kokālika[32]
              et d’autres s’en réjouirent[33].
              Nichiren est à la fois le père et la mère du clan régnant ;
              il est semblable à un arhat ou à un bouddha. Et pourtant le
              suzerain et ses vassaux se félicitèrent de l’avoir condamné à
              l’exil. Voila bien des misérables sans vergogne. Les maîtres de la
              loi, qui ne font qu’offenser celle-ci[34],
              se sont lamentés lorsque leurs maux furent révélés, mais du coup
              ils se réjouirent de cette nouvelle. Plus tard, leurs peines ne
              seront pas moindres que celles qu’éprouvent Nichiren et les siens.    
              Cela est comparable à la joie de Yasuhira[35]
              qui tua son frère cadet pour ensuite abattre le prévôt Kurō[36].    
              Le grand démon qui ruinera ce clan est déjà entré dans le pays.
              C’est ce que dit le Sutra
                du lotus : « Le mauvais démon pénètre son corps [37]».    
              Que Nichiren subisse encore des persécutions, cela ne provient-il
              pas des actes  anciens[38]
              ? Le chapitre de Sans-Mépris dit "ayant expié ses fautes".
                
              Plus encore, Nichiren, dans cette existence, est né comme une
              personne miséreuse et de basse extraction, issue d’une famille de
              candāla[40].
              Et, bien qu’il semble avoir quelque foi dans le Sutra du lotus, son corps sous l’apparence humaine est corps
              d’animal. Il incorpore poisson et volaille et s’est constitué de
              deux gouttes, l’une rouge et l’autre blanche. En lui l’âme de la
              conscience  réside,
              comme la lune que reflètent des eaux troubles ou l’or enserré dans
              une bourse bréneuse.    
              Puisque mon cœur croit dans le Sutra
                du lotus je ne conçois nulle crainte même envers Brahma ou 
                Indra. Mais mon corps est celui d’un animal. Alors
              l’apparence ne rivalisant pas avec l’esprit, il est logique que je
              sois en butte au mépris des idiots. Ainsi vis-à-vis du corps,
              l’esprit est-il comparable à la lune ou à l’or.    
              Qui donc pourrait appréhender les oppositions à la loi commises
              dans le passé ? Serais-je habité par l’âme du moine mendiant
              Intention-Victorieuse[41]
              ou celle de Cieux-Elevés[42]
              ? Serais-je un descendant de ceux qui persécutèrent
              Sans-Mépris ? un rejeton de ceux dont le cœur s’est gâché[43]?
              Serais-je du clan des cinq mille outrecuidants[44]
              ou du troisième courant de l’époque de
              Mahâbhijñā [45]
              ? Les actes résidants sont difficiles à sonder.    
              C’est en portant au feu et en le frappant que le fer devient épée,
              c’est à l’épreuve des propos malveillants que les sages se
              révèlent.    
              La peine que je subis à présent ne résulte pas le moins du monde
              de quelque délit que ce soit. Il ne s’agit que de l’effacement en
              cette vie des lourdes fautes des actes passés, afin que d’échapper
              aux trois maux dans la prochaine existence.    
              Dans le Sutra Bānníhuán[46]
              il est dit : «Dans
                le monde futur, quand bien même certains auront revêtu 
                  la robe monastique et quitté leur famille afin
                d’étudier dans le courant de ma doctrine, ils se livreront en
                fait au désœuvrement et à l’indolence. Ils en viendront à 
                    calomnier les sutra développés et appropriés[47].
                Qu’on le sache, il s’agit bel et bien des diverses bandes
                d’hétérodoxes de notre époque». Ceux qui lisent ces
              phrases devraient avoir  honte
              d’eux-mêmes.    
              Selon ce que le Bouddha a noté, ceux qui de nos jours quittent
              leur famille et revêtent le kasaya
              mais qui demeurent indolents et désœuvrés étaient en son temps les
              disciples des six maîtres des voies extérieures.    
              Les factions de Hōnen
              et de Dainichi, s’intitulent respectivement sectes Nenbutsu et
              Zen. Les uns appliquent au Sutra
                du lotus les interdictions que les quatre caractères
              « rejeter, abandonner, ignorer et écarter » enjoignent
              et ne prônent  que
              l’invocation du nom d’Amita, lequel ressortit des doctrines
              provisoires[48]
              ; les autres invoquant la transmission spécifique en dehors des
              enseignements[49]
              se moquent et disent du Sutra
                du lotus que l’on se borne à en compter les caractères et
              qu’il n’est un doigt pointé vers la lune[50].
              Ainsi ces rejetons tardifs des six maîtres resurgissent dans le
              bouddhisme. Comme c’est déplorable !     
              Selon le Sutra du nirvana,
              quand le Bouddha eut projeté un rayon de lumière et éclairé les
              cent trente six enfers sous terre, on ne pouvait y distinguer
              aucun criminel. Tous grâce au chapitre de la Longévité du Sutra
                du lotus avaient pu devenir des Éveillés. Toutefois ceux que
              l’on appelle les icchantika[51],
              toutes gens de l’opposition à la loi[52],
              y demeuraient encore sous la surveillance des gardiens de l’enfer.
              Ils ont engendré et se sont multipliés jusqu’à constituer la
              population actuelle du Japon.
                  
              Nichiren lui-aussi, à cause des graines du passé, est devenu un
              homme de l’opposition à la loi. Pendant plusieurs années de cette
              existence il a été adepte de l’amidisme et, en voyant les
              pratiquants du Sutra du
                lotus, il se moquait et disait : « Pas un seul
              encore qui ne l’obtint[53],
              pas même un sur mille ».    
              Maintenant que l’ivresse de l’opposition à la loi se dissipe, ce
              qu’il ressent est comparable au trouble d’un homme qui, 
                sous l’emprise de la boisson, se plaît à maltraiter ses
              parents puis se lamente une fois dégrisé. Ses regrets toutefois ne
              suffisent pas et sa faute ne s’efface que difficilement. L’opposition à la loi qui remonte au temps jadis plus encore imprègne le cœur. 
    
              A la lecture des phrases du Sutra, tant la noirceur du corbeau que
              la blancheur du héron apparaissent comme résultant d’actes passés
              qui les ont fortement teints.     
              Les hommes des voies extérieures ne le savent pas et prétendent
              que c’est l’œuvre de la Nature.    
              Quand on essaie d’aider nos contemporains en leur révélant leur
              opposition à la loi, ils rétorquent qu’ils n’ont pas eux-mêmes 
                commis d’offense et, citant les écrits de Honen, selon
              lesquels il faudrait fermer la porte du Sutra
                du lotus, ils disputent en vain.  
                    
              Il n’est pas besoin d’évoquer les croyants de l’amidisme, mais les
              gens du Tendai et des Paroles authentiques se sont ralliés
              résolument à ce courant.    
                Cette année, les seize et dix-sept du premier mois, des
              amidistes du pays de Sado, soit quelques centaines de fidèles, se
              sont rassemblés autour de leur chef, un moine nommé Nature des
              Sceaux[54].
              On se rendit auprès de Nichiren pour  dire : « Le sage
              Honen n’a pas écrit qu’il fallait rejeter le Sutra
                du Lotus, mais que nous devions pousser tous les êtres à
              réciter l’Invocation[55].
              Il a écrit que les mérites et vertus qui en résulteraient
              permettraient assurément d’y renaître[56]... »    
              Des moines de la Montagne[57]
              exilés en ce lieu ainsi que des maîtres de la loi du Temple[58]
              louèrent ces paroles en disant « Voila qui est bien
              dit ! ». Ils me demandèrent toutefois comment je pouvais
              réfuter cela. Ils sont encore 
              plus incertains que les amidistes de Kamakura. Tout cela
              est bien pitoyable.    
              Que sont effrayantes les oppositions à la loi de Nichiren commises
              dans une existence précédente, dans celle-ci et jusqu’à hier. Et
              vous, vous êtes devenu le disciple d’une telle personne et vous
              êtes né dans ce pays, qui sait ce qu’il peut advenir de
              vous ?    
              Dans le Sutra Bānníhuán
                [59]
              il est dit : « Hommes de bien, dans le passé vous
              avez commis d’innombrables méfaits, constituant de la sorte de
              multiples mauvais actes ; nombreuses seront les rétributions
              mauvaises, vous serez méprisés, votre apparence sera disgracieuse,
              votre vêtement insuffisant, votre nourriture grossière, votre
              recherche de richesses vaine, la famille où vous naîtrez sera
              misérable ou remplie de vues fausses ou alors vous serez en butte
              aux persécutions royales » Il est dit également :
              « Par ailleurs, si les rétributions douloureuses liées à la
              condition humaine  peuvent
              être allégées durant cette existence c’est dû à la force des
              mérites et vertus de la protection que confère la loi».    
              Sans la personne de Nichiren, ces phrases des sutra ne seraient
              pratiquement que paroles mensongères du Bouddha. Il y est énoncé
              1. être méprisé, 2. l’apparence disgracieuse, 3. le 
                vêtement insuffisant, 4. la nourriture grossière, 5. la
              recherche vaine de richesses, 6. la naissance dans un famille
              misérable, 7. ainsi que dans une famille remplie de vues fausses
              et 8. la confrontation aux persécutions royales. Seul Nichiren a
              éprouvé dans son existence ces huit termes.    
              Celui qui a gravi une montagne devra forcément en descendre, celui
              qui manque d’égard pour autrui se verra traité sans considération,
              celui qui dénigre un homme majestueux aura pour rétribution la
              laideur, celui qui s’empare du vêtement ou de la nourriture
              d’autrui sans aucun doute deviendra un esprit affamé[60],
              celui qui rit de ceux qui gardent et vénèrent les préceptes naîtra
              dans une famille misérable, celui qui dénigre une famille de la
              vraie loi naîtra dans une famille aux vues perverses et celui qui
              ridiculise les préceptes excellents fera partie d’un peuple qui
              subit la tyrannie. Telle est la loi qui détermine l’enchaînement
              éternel des causes et  des
              effets.     
              Nichiren ne ressortit pas d’un tel enchaînement causal. C’est
              parce qu’autrefois il a méprisé les pratiquants du Sutra
                du lotus, ce sutra qui est comparable à une suite de lunes,
              à un cortège d’étoiles, à la superposition de monts Hua[61],
              à des joyaux réunis, ce sutra donc il s’est plu à le louer ou à le
              rabaisser, c’est pourquoi il a été confronté à ces huit grandes
              souffrances.    
              Elles se manifestent successivement jusqu’à épuisement des causes
              dans le futur[62],
              toutefois Nichiren a dénoncé les ennemis du Sutra
du
                lotus avec une telle vigueur qu’elles sont apparues
              simultanément toutes à la fois.     
              Ainsi un paysan n’est pas trop pressé par les intendants
              domaniaux, tant qu’il demeure dans le fief, et ce même s’il est
              redevable de quelque dette. Son dû se reporte d’année en année.
              Mais s’il décide de partir il sera vigoureusement contraint de
              s’exécuter. C’est ce que le sutra[63]
              désigne comme étant «dû à la force des mérites et vertus de la
              protection que confère la loi ».     
              Il est dit dans le Sutra du
                lotus :   «Nombreux
les
              ignorants Qui
usant
              de médisance, de calomnie S’armant
de
              sabres, de bâtons, de pierres et de tuiles … … 
                Se tournant vers le roi, les ministres,  Les
brahmanes
              et les clercs… Les
feront
              expulser à maintes reprises[64]»
                   
              S’ils n’étaient brutalisés par les sbires infernaux les damnés ne
              voudraient pas s’échapper de l’enfer. Sans le souverain et ses
              sujets actuels Nichiren ne pourraient que difficilement effacer
              les crimes d’oppositions à la loi accumulés dans le passé.    
              Nichiren est semblable au boddhisattva Sans-Mépris d’autrefois et
              les hommes d’aujourd’hui à ces quatre gens[65]
              qui l’ont dédaigné et malmené. Les hommes changent mais les causes
              restent identiques. Ceux-là qui ont tué leurs parents ont beau
              être différents ils sont néanmoins voués au même enfer sans
              rémission[66].
              Comment se pourrait-il que Nichiren qui a accompli la pratique de
              la cause[67]
              de Sans-Mépris ne devienne pas le Bouddha Shakya[68] ?
Quant
              aux autres, qu’ils soient dénommés Bhadrapāla[69].
                J’ai pitié car ils seront torturés dans l’enfer Avici durant
                mille éons.  Mais
                que faire pour eux ?     
                Cette bande de dédaigneux et de brutes qui tout d’abord l’ont
                dénigré[70],
                malgré tout, par la suite « ils se soumirent avec foi et le
                suivirent [71]».
La
                majeure partie de leurs fautes avait été apurée mais la petite
                part résiduelle était porteuse de tourments comparables à ceux
                qui échoient pour avoir tué mille de ses parents.[72]
                    
                Mais nos contemporains n’ont pas la moindre intention de
                s’amender. Comme dans le chapitre de la Parabole, leurs peines
                dureront d’innombrables éons ou même devront-ils laisser
                s’accomplir les temps dits des trois ou des cinq grains de
                poussière[73].
                Mais laissons-les de côté pour l’heure. 
    
                Ceux qui semblaient  croire
                en Nichiren, quand ils voient ce à quoi il est confronté[74],
                non seulement ils se mettent à concevoir des doutes et
                abandonnent le Sutra du lotus, mais en plus ils veulent instruire Nichiren ;
                ces personnes  présomptueuses
                sont vouées à l’enfer Avici plus longtemps encore que les
                croyants de l’amidisme. Tout cela est déplorable.    
                Asura prétendait à dix-neuf domaines contre les dix-huit du
                Bouddha[75],
                les tenants des voies extérieures disaient que le Bouddha ne
                connaissait qu’une voie ultime et eux quatre-vingt-quinze. Et de
                même ils disent que le moine Nichiren est un maître mais qu’il
                est bien trop rigide, alors qu’eux s’y entendent pour propager
                le Sutra du lotus
                d’une façon plus souple. Ils sont tout aussi ridicules qu’une
                luciole qui se moquerait du soleil et de la lune, qu’une
                fourmilière qui mépriserait la montagne Hua, que des puits ou
                des criques qui dédaigneraient les fleuves et l’océan ou qu’une
                pie qui rirait du phénix.  
    
                  Namu Myōhōrenguékyō 
    
                9e année de l’ère Bunei, Mizunoe saru du Taisui[76]    
                           
                           
                           
                           
                           
                           
                           
                           
                           
                           
                           
                           
                           
                           
                           
                        Nichiren[77]    
                 Ici, en ce pays de Sado, il n’y a pas de papier, il serait donc problématique d’écrire individuellement à chacun d’entre vous. En outre, celui qui ne recevrait rien pourrait concevoir quelque ressentiment. Alors, que ceux qui ont une volonté d’accomplissement[78] se réunissent pour lire cette lettre, qu’ils l’approfondissent et puissent soulager leur cœur.    
                Qu’il survienne dans notre société des évènements encore plus
                effrayants et ceux qui nous affectent aujourd’hui seront bien
                peu en comparaison. Je ne sais si c’est vrai mais il semblerait
                que dans les dernières batailles beaucoup aient péri ; que
                c’est affligeant !    
                Qu’est il advenu aux nyudō
                Izawa et Sakabe ? Ecrivez-moi également des nouvelles de 
                  Sire Kawanobe Yamashiro[79]
                du temple Tokugyōji
                et des autres. Je vous sais gré également de bien vouloir me
                faire parvenir les ouvrages profanes Fondamentaux de la politique de Zhenguan[80],
                l’ensemble des Récits profanes, les Transmissions
                  des Huit Ecoles[81] ;
sans
                lesquels il m’est difficile de poursuivre ma correspondance.  [2]
                    Il s’agit du disciple laïc Shijo kingo. Son nom complet est
                    Shijo Nakatsukasa Saburo Saëmon no Jo Yorimoto. Pour
                    quelques explications sur le nom de ce samurai, voir l’article
                    qui lui est consacré dans le Dictionnaire Miaofa. [3]
                    Voir Dictionnaire Miaofa : Ōkuratō no Tsuji Jūrō
                      nyūdō. [4]
                    Voir Dictionnaire Miaofa : Sajiki,
                    ici le nom de cette disciple est écrit en hiragana : さじきの尼御前. [5]外典抄 : On ne sait plus exactement le contenu de ces
                    recueils. Le titre laisse entendre qu’il s’agit d’ouvrages
                    non bouddhiques.
                 [6]
                    Voir Dictionnaire Miaofa : Mots
                        et Phrases.
                     [7]Voir
                    Dictionnaire Miaofa : Le
                        Sens occulte de la Fleur de la loi.
                   [8] 勘文宣旨 : Kanmon
                      Senji, le premier mot peut également se prononcer Kamon.
                    Terme probablement d’inspiration confucéenne. Kanmon est un terme qui désigne les avis que les confucéens
                    exprimaient sur la demande du trône, en se référant à
                    l’histoire et senji
                les paroles et ordres de l’empereur. Dans la tradition du
                    bouddhisme de Nichiren, les remontrances adressées aux
                    gouvernants dans la lignée du Traité
sur
                      la Pacification du pays et l’établissement de l’orthodoxie
                (Risshō ankokuron)
                    s'appellent également kanmon.
                 [9]
                  Cette citation viendrait du chapitre
                    XXIII du Sutra du
                      lotus, Conduite
                      originelle du bodhisattva Roi des Remèdes, j’ai trouvé
                    un passage ressemblant mais pas équivalent. [10]
                    Voir  Dictionnaire
                    Miaofa : Garçon
                      des Monts Enneigés. [11] 
                    Voir  Dictionnaire
                  Miaofa : Délectation
                    de la Loi. [12]
                  Voir Dictionnaire Miaofa :
                    captation
                      accommodante.  [13]
                    Voir Dictionnaire Miaofa : persuasion
                      coercitive. [18]
                    Voir Dictionnaire Miaofa : Fadao
                      des Trois Corbeilles. [19]
                    Voir Dictionnaire Miaofa : Étang
                      des Ardeurs froidies. [21]
                    Voir Dictionnaire Miaofa : Sutra
                        de Maître es Remèdes. [22]
                  Ce
                    sutra fait état de sept fléaux à savoir : épidémie,
                    invasion étrangère, séditions internes, perturbation du
                    cours des astres, éclipses, perturbation climatique et enfin
                    sécheresse. [23]
                    Selon le Sutra
                        du souverain vertueux ces sept fléaux
                    sont : anomalie du soleil et de la lune (日月失度, c’est-à-dire
                    aspect étrange, éclipse, apparition de plusieurs soleils),
                    anomalie des astres, embrasement, déluge, ouragan,
                    sécheresse, soudards. [25]
                    Voir Dictionnaire Miaofa : recevoir
                      et garder. [26]
                  棟梁 (tōryō) : mot composé de 棟,
                    le faîte, et de 梁 poutre.
                    Désigne deux pièces essentielles de la charpente d’une
                    maison. Par extension désigne celui autour duquel un clan,
                    une famille se regroupe. Dans le bouddhisme il s’agit de
                    celui qui peut protéger et répandre le dharma. 
                     [27]
                    Cette expression désigne ici le Bakufu de Kamakura et donc
                    le clan Hōjō qui en
                    était le régent. [31]
                    Voir Dictionnaire Miaofa : Don
                      de Dieux.  [33]
                    Ce n’est sans doute pas très clair car ces personnages ne
                    sont pas connus ici. Ce sont six grands vassaux du roi Ajātasatru
                    qui l’ont félicité, et le disciple de Don des Dieux nommé
                    Kokālika
                    qui se réjouit. Il y a deux histoires distinctes. [34]
                  On remarquera l’ironie, la
                    formulation en japonais, plus concise, produit un effet
                    encore plus expéditif : 謗法の法師等, c’est-à-dire « les maîtres de la loi de
                    l’opposition à la loi ». [35]
                    Fujiwara Yasuhira a précipité la perte de Minamoto
                    Yoshitsune poursuivi par les armées de son frère le shogun
                    Minamoto Yoritomo ; il aurait mieux fait de ne pas
                    ouvrir son territoire aux armées de ce dernier car cela
                    causa sa perte. [39]
                    Voir Chapitre
                      XX, Sutra du
                      lotus. [41]
                    Voir Dictionnaire Miaofa : Intention-Victorieuse.
                   [42]
                              Voir
                    Dictionnaire Miaofa : Cieux-Élevés.
                     [43]Voir
                      Dictionnaire Miaofa : gâchis
                      du coeur.  [44]
                    Cf. Chapitre
                      des Moyens. [45]
                  Voir Dictionnaire
                    Miaofa : Grands-Pouvoirs de Sagesse-Victorieuse. On peut supposer que ce troisième courant, dont il est
                      question ici, est celui qui est évoqué dans le chapitre
                        de la Parabole de la ville fantasmagorique du Lotus,
                      en effet lorsque le bouddha Grands-Pouvoirs de
                      Sagesse-Victorieuse enseigne le Sutra
                        du lotus, ses seize fils l'acceptent avec foi, un
                      deuxième groupe constitué d'auditeurs
                      croit et comprend mais un troisième extrêmement nombreux
                      et varié ne conçoit que doutes et confusion ; voir Le
                        Sutra du Lotus, Jean-Noël Robert, page 181. [47]
                    Voir Dictionnaire Miaofa : sutra
                        développés et appropriés. [48]
                  Voir Dictionnaire Miaofa :
                    doctrines
                      provisoires.  [49]
                    教外別伝 : c'est l'un des dogmes essentiels du bouddisme chan ou
                    zen selon lequel l'enseignement essentiel n'a pas été
                    transmis par les sutra mais d'une manière informelle et
                    personnelle. Voir zen. 
                     
 [50]
                    Le maître désigne la lune du doigt et l’idiot regarde le
                    doigt. [51]
                  Voir Dictionnaire Miaofa : Icchantika.  [52]Voir
                    Dictionnaire
                      Miaofa.  [53]
                    … qui n’obtint l’Eveil. [54]
                  印性房
                    (Inshobo) : prêtre amidiste de l'île de Sado. Le 16e jour du
                    1er mois de 1272 en compagnie de collègues tel
                    Yuïamidabutsu, de moines des écoles Paroles Authentiques et
                    Tendaï et de très nombreux fidèles il se rend à la chapelle
                    où Nichiren et quelques disciples  demeuraient pour
                    débattre. Comme il est relaté ici, ces moines de locaux
                    connaissent mal le bouddhisme et ils sont défaits par
                    Nichiren. Ce personnage semble avoir été un religieux important du clergé amidiste de l'île de Sado, car Nichiren le qualifie de tōryō  (棟梁), cf. note 26.
                     [56]
                  御
                    往生(gohojo),
                    c'est-à-dire renaître dans la terre du bouddha Amita. De «往 »,
                    partir, aller, et « 生 », naître. On trouve également comme terme
                    équivalent : 往生安楽 (ojoanraku,
                    renaître dans la paix et la joie) et 往生極楽 (ojogokuraku,
                    renaître en félicité). 
                 [57]
                    Voir Dictionnaire Miaofa : moines de la Montagne.
                 [58]Voir
                    Dictionnaire Miaofa : maîtres de la loi du Temple.
                 [59]
                    Voir note 46.
                       [60]
                    Voir Dictionnaire Miaofa : esprits
                      affamés.  [62]
                    (盡未來際,
                    jin mirai sai, jìn wèilái jì, aparânta-koṭī) :
                    littéralement, « jusqu’au moment de l’épuisement [des
                    causes] dans le futur », pour l’éternité. 
                 [63]
                    C’est l’extrait probablement du Sutra Bānníhuán  cité un peu plus haut. [64]
                    Cette citation extraite du chapitre Exhortation à la sauvegarde court de la page 441 à 443 du MHRGK et de la page 246 à 248 de la traduction du Sutra du lotus de Jean-Noël
                    Robert . Ce sont les bodhisattva qui demandent
                    que la loi leur soit confiée qui parlent. Je ne trouve pas
                    dans cet extrait, dans le texte du Sutra, mention des
                    pierres et des tuiles évoquées ici.
                     [65]
                    Voir Dictionnaire Miaofa : quatre gens. [66]
                    Voir Dictionnaire Miaofa : enfer sans rémission. [67]
                    Dans le sens causal du terme (因). [68]
                    Sans-Mépris était une existence passée du bouddha Shakyamuni
                    (cf. Sutra du Lotus
                    chapitre XX). Comme il est dit un peu avant «Les hommes
                    changent mais les causes restent identiques». Nous avons ici
                    une transposition dans l’époque de Nichiren du récit de
                    Sans-Mépris avec mise en relativité des différentes phases
                    du temps, passé, présent et futur, à la fois dans le Sutra du lotus et dans le Japon de Nichiren.  [69] Voir Dictionnaire Miaofa : Bhadrapāla. [70]
                    Nous sommes toujours dans le récit de Sans-Mépris. [71]信伏随従 Chapitre 20 du
                    Sutra du lotus, MHRGK p. 569, J.-N. Robert p. 329.
                 [72]
                    Parents dans le sens de père et mère. [73] Voir Dictionnaire Miaofa : temps dits des trois ou des cinq grains de poussière. [74]
                    C’est-à-dire les persécutions que Nichiren encourt,
                    notamment son bannissement sur l’île de Sado. [75]
                    La phrase japonaise est très concise, j’ai essayé de
                    restituer, le sens est que vis-à-vis de l’éveil du Bouddha
                    qui représente l’intégralité de la perception, du monde et
                    de la conscience (voir 18
                      domaines), Asura
                    l’orgueilleux surenchérit et dit que lui en connaît 19 …
                    Évidemment cette assertion dans sa puérilité est ridicule.  [76] 1272 : dans le système chinois sexagésimal du Taisui (太歳) année de rénshēn (壬申) c’est-à-dire la neuvième année d’un cycle de 60. Pour ceux que cela intéresse, voir : wikipedia renshen. [77]
                    Signature Kao (monogramme fleuri). [78] Voir
                    Dictionnaire Miaofa : volonté d'accomplissement. 
                  
                 [79]
                    Disciple de Nichiren qui l’aurait accompagné lors de la
                    persécution de Tatsunokuchi et aurait été ensuite appréhendé
                    et emprisonné. Les trois personnes mentionnées ici sont des
                    disciples de la région de Kamakura.  [80]
                    Voir Dictionnaire Miaofa : Fondamentaux de la politique de Zhenguan.
                   [81]
                    Voir Dictionnaire Miaofa : Huit Écoles. | ||
      
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