Les Trois trésors
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三 寶 |
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Plan du cours :
I Importance du concept des trois trésors : l'entrée dans le courant.
a) Les trois trésors manifestes. b) Les trois trésors inhérents. b) Les trois trésors incorporés.
III Définition de chacun des termes. a) Bouddha. b) Dharma. c) Sangha. IV Les trois trésors : concept central de l'expérience bouddhique tout au long de la pratique. |
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I Importance du concept des trois trésors : l'entrée dans le courant. Nous étudions aujourd'hui les trois trésors. Dans de nombreux livres sur le bouddhisme vous trouverez l'expression trois joyaux. En effet le terme chinois bao (寶) signifie objet précieux, trésor, joyau. |
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Chacun d'entre vous connaît déjà ce concept mais nous allons l'étudier minutieusement car il est fondamental pour la compréhension de la voie bouddhique. |
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Les trois trésors c'est-à-dire bouddha, dharma, sangha ou l'éveillé, la loi et la communauté sont l'un des premiers concepts bouddhiques que l'on apprend lorsque l'on décide de tenter l'expérience bouddhique. En effet, dans tous les courants du bouddhisme, lorsque l'on décide de devenir bouddhiste, selon la formule consacrée, on prend refuge dans le bouddha, la loi et la communauté. C'est ce que l'on appelle la triple prise de refuge (三歸, sanki, sangui). Que signifie le terme "prendre refuge"? |
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En sanscrit on emploie le terme sarana qui a été traduit en chinois guiyi (歸依, kie en japonais). Le premier caractère signifie revenir et le second s'appuyer, se fonder. Nous avons donc deux notions à la fois : d'une part revenir à un lieu dont on s'était éloigné, un peu comme un bateau qui revient à son port d'attache et d'autre part, prendre appui sur une pensée nouvelle. L'expression française "prendre refuge" rend à peu près ces deux significations, encore qu'elle accentue peut-être plus particulièrement la première d'entre elles. Devenir bouddhiste c'est donc décider de prendre refuge dans le bouddha, dans la loi et dans la communauté bouddhique. Remarquons qu'être bouddhiste est toujours le fruit d'une décision : on n'est pas bouddhiste de par son ascendance familiale. Devenir bouddhiste c'est donc se déprendre des modes de pensées que la société, l'éducation nous ont inculqués pour prendre refuge dans les trois trésors. C'est aussi à la lumière du dharma bouddhique pouvoir porter des jugements sur les concepts qui prévalent dans la société où nous vivons. La première condition pour devenir bouddhiste est donc cette triple prise de refuge. |
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Notons
que dans les textes de
Nichiren qui
nous sont parvenus, nous ne trouvons que rarement l'expression
triple refuge et je ne connais pas d'exemple d'usage
du concept de prise de refuge. Il utilise plutôt
l'expression
plus volontariste kimyo
(歸
命) dans laquelle le premier
caractère (ki, 歸) est
le même et il lui
préfère généralement son
équivalent namu
(南無) qui est une
translittération du sanscrit namas.
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Avant d'analyser chacun des éléments constitutifs des trois trésors nous allons examiner les principales appréhensions qui en ont été effectuées. Les ouvrages bouddhiques distinguent généralement les trois trésors manifestes, virtuels et incarnés. a) Les trois trésors manifestes (現前三寶, genzensanpo, xianqiansanbao) : l'expression désigne les trois trésors du vivant du bouddha Shakyamuni. De son temps les trois trésors étaient manifestés et il était lui-même le trésor du bouddha, ses paroles étaient le trésor de la loi et ses disciples religieux formaient le trésor de la communauté bouddhique. Les trois trésors étaient donc vivants et actifs. Ceux qui embrassaient la nouvelle foi prêtaient donc allégeance au Bouddha et à son enseignement. Comme nous l'avons déjà vu, l'une des caractéristiques du bouddhisme à son origine indienne tenait dans le développement de la communauté des religieux qui se soustrayaient au système social dominant, celui de castes, pour devenir des moines mendiants. Les disciples qui rejoignaient cette communauté centrée autour du Bouddha prenaient donc bien refuge, au sens littéral du mot, auprès du Bouddha, de son enseignement et dans la communauté des disciples qu'ils intégraient. b) Les trois trésors inhérents (住持三寶, jujisanpo, zhuchisanbao) : l'expression désigne les trois trésors après le décès du Bouddha tels qu'ils subsistent et sont représentés. Ainsi le trésor du bouddha apparaît pour la vénération dans les différentes représentations de celui-ci et également d'une manière plus spécifique dans les diverses traces de son passage, les reliques sur lesquelles on édifie des stupa ainsi que les lieux importants de son existence. Le trésor de la loi est représenté dans les écrits qui consignent l'enseignement du Bouddha et le trésor de la communauté est représenté par les religieux hommes et femmes. c) Les trois trésors incorporés (一體三 寶, ittaisanpo, yitisanbao) : nous entendons le terme 'incorporés' dans sa première acception, c'est-à-dire "réuni en en un seul corps" (Littré, Dictionnaire de la langue française), ce qui rend particulièrement bien le chinois yiti (一體) ; yi (一) : un et ti (體) : corps. Ce qui revient à dire les trois trésors en un corps. Nous avons là une vue plus philosophique et conceptuelle des trois trésors. Les trois éléments constitutifs des trois trésors sont pris comme formant un tout. Ces éléments ne sont séparables que pour faciliter la compréhension. Nous avons donc plutôt un triple trésor que trois trésors. Pour être plus clair, le Bouddha n'est pas séparable du dharma. Il s'est éveillé au dharma et il l'enseigne. Il n'y a pas de bouddha sans dharma. Sans le dharma le bouddha ne devient pas un éveillé et sans un bouddha le dharma ne peut être révélé. Si l'enseignement du dharma est révélé par un bouddha, il rencontre un auditoire duquel des disciples se dégagent. Dans cette conception les trois trésors sont indissociables et forment un tout qui représentent à la fois la révélation bouddhique et son expérience par plusieurs individus (la communauté). |
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Nous pouvons établir un parallèle entre ces trois conceptions des trois trésors et les trois périodes de la loi d'un bouddha (période de la loi correcte, de la loi de ressemblance, et de la fin de la loi. |
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III Définition de chacun des termes. a) Bouddha : le terme vient du sanscrit buddha et signifie Éveillé. Il est l'un des qualificatifs qui ont été donnés au fondateur du bouddhisme et qui sert à le désigner. Dans ce sens on dit le Bouddha c'est-à-dire l'Éveillé. Toutefois cette appellation a vu son sens s'élargir. En effet c'est l'un des principaux aspects du bouddhisme que de considérer que la nature d'éveil existe chez tous les êtres et donc que chacun peut vivre l'expérience de l'éveil et devenir lui-même un éveillé. C'est d'ailleurs le but même de la pratique bouddhique : devenir le Bouddha ou devenir un bouddha (成佛, jobutsu, chengfo). Remarquons donc une des caractéristiques fondamentales du bouddhisme. Le Bouddha n'est pas un messie ou une divinité mais il est celui qui découvre le dharma, la doctrine bouddhique qui permet de résoudre le dilemme de la souffrance (cf. cours sur les quatre vérités). L'expérience sprirituelle (l'éveil) qui permet cette prise de conscience est possible pour chacun. Le Bouddha guide ses disciples sur cette voie. Donc, dans la compréhension des trois trésors que nous pouvons avoir, il serait extrêmement limitatif de limiter le trésor du bouddha au seul Shakyamuni. La chose aurait été possible dans la conception vue précédemment des trois trésors manifestes, conception que pouvaient avoir les disciples directs du Bouddha. Encore que l'enseignement du Bouddha évoque des bouddha passés qui l'auraient précédé. Il s'agit des bouddha du passé. L'un des plus connus est le Bouddha Brûle-Lampe (燃燈佛, Nendo butsu, Randeng fo, Dipamkara) que nous évoquons lorsque nous lisons le chapitre de la Longévité de l'Ainsi-Venu :"Shozennanchi, ozechūgen, ga setsu nendōbuttō, u bu gon go, nyū o nehan, nyozekaïi hōben funbetsu (諸善男子。於是中 間。我説燃燈佛等。又復言其入於涅槃。 如是皆以方便分別), Fils de bien, dans cet intervalle, j'ai prêché sur l' Éveillé Brûle-Lampe et d'autres, et de plus, j'ai parlé de leur entrée dans l'Extinction : tout cela est distinction en manière d'expédients" (in Le Sûtra du Lotus, p 282, Jean-Noël Robert, Fayard 1997). Pour rester sur ce seizième chapitre du Lotus, nous voyons bien que le Bouddha qui y est révélé et dont l'éveil se situe dans un temps infiniment plus ancien que l'éveil sous l'abre bodhi, ne peut être identifié à la perception que nous avons du personnage historique Shakyamuni. C'est l'une des idées fortes de ce chapitre. |
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Les textes parlent également de bouddha des trois phases (passé, présent, futur) et des dix directions pour montrer l'universalité de l'expérience de l'éveil. |
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b) Dharma : il s'agit de la doctrine enseignée par le Bouddha. A l'origine le dharma désigne l'ordre (le bon ordre) du monde et de la société. Ainsi ce qui est contraire au dharma est addharma c'est-à-dire anormal, vicié. Dans le bouddhisme, le dharma signifie souvent l'enseignement bouddhique lui-même, c'est-à-dire la loi, la doctrine qui explicite le réel et à laquelle le Bouddha s'est parfaitement éveillé, c'est la loi juste, la bonne loi, la loi merveilleuse. On distingue généralement le dharma prononcé c'est-à-dire la citation des paroles du Bouddha et le dharma contenu c'est-à-dire les principes philosophiques qui découlent de cet enseignement (cf. tripitaka). Remarquons que la mention que l'on trouve dans certains courants bouddhiques d'une Loi de l'univers ne recoupe pas la notion du dharma. D'ailleurs la traduction de dharma par loi peut amener beaucoup de confusions et nous devons préciser. Le dharma bouddhique n'est pas comparable à une loi scientifique. c) Sangha : le terme signifie groupe, communauté. Dans l'Inde antique, il désigne un groupement, une guilde. Aux origines du bouddhisme, il est l'appellation dont on désigne la communauté des religieux (masculins puis hommes et femmes) qui reçoivent directement l'enseignement du Bouddha et se déplacent avec lui. Ces personnes sont sorties des structures sociale et familiale et vivent d'aumones de nourriture. Elles ne possèdent rien sinon leurs vêtements, leur bol pour les aumones voire un chapelet. Lors de leur entrée dans la communauté bouddhique elles ont adhéré aux préceptes de vie en commun édictés par le Bouddha. Elles reçoivent l'enseignement du Bouddha et des grands disciples et se livrent à une ascèse spirituelle intense. Pour elles, ont peut dire vraîment qu'elles ont pris refuge dans la communauté. Par la suite le nombre des croyants augmentant, une éthique des croyants laics s'est instaurée. Déjà, selon la tradition du Grand Véhicule un rôle important était dévolu à certains laïcs très avancés dans les pratiques bouddhiques, par exemple Nom-Pur (Vimalakirti) dans le sutra homonyme. Dès lors par glissement de sens, le sangha a désigné également l'ensemble de la communauté des croyants, laïcs et religieux tout en conservant le sens originel qui concerne essentiellement les moines. Le mot chinois seng (僧) qui désigne ce troisième trésor, celui de la communauté, est la première syllabe de la translittération du sanscrit sangha, les religieux ordonnés. Cependant, comme nous l'avons vu la communauté, sangha, dans son sens le plus large, désigne toute réunion des disciples et croyants (sravaka sangha, la communauté des disciples ou des auditeurs). Dans ce sens global
on distingue quatre sous-groupes, les moines et les nonnes, les
laïcs hommes et femmes. |
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On
trouve
également une répartition en sept sous-groupes : les quatre
précédents, les jeunes
acolytes (sramanera) moines
apprentis jusqu'à 12
ans, leurs homologues féminins (sramaneri) et
les siksamana, femmes
qui ont
eu une formation bouddhique de deux années et qui mènent
une vie religieuse tout en restant dans leur famile ou en
élevant leurs enfants. C'est un statut
intermédiaire entre celui des laïques et
celui des nonnes qui convient aux femmes qui ont une
vocation religieuse forte mais également des obligations
familiales.
Ces catégorisations des groupes qui forment la communauté bouddhique sont celles de l'Inde, dans les autres pays où le bouddhisme a prospéré, nous pouvons trouver des structures différentes, encore que la répartition en quatre congrégations : moines, nonnes, laïcs hommes et femmes, soit la plus couramment admise. A l'origine quelles
étaient les fonctions de la communauté religieuse ?
On peut en distinguer essentiellement trois. La communauté
devait fournir des spécialistes de la doctrine. Les premiers
monastères constitués étaient des centres
d'étude et de réflexion qui fournissaient des moines ou
des nonnes d'un bon niveau d'instruction ainsi que des maîtres
des enseignements bouddhiques. Les religieux avaient également
le devoir d'éclairer les fidèles afin qu'ils progressent
dans la réalisation de la loi bouddhique. Enfin, il incombe
à la sangha de transmettre la tradition bouddhique à la
génération suivante afin que la loi ne s'éteigne
pas. Lorsque le
bouddhisme s'est développé dans la société
chinoise, la communauté des moines s'est sensiblement
modifiée. Des monastères puissants et de grandes tailles,
sortes de petites villes, se sont développés. Les moines
sont devenus résidents et la tradition des moines mendiants
s'est raréfiée. Le personnel religieux a pu s'enrichir
notamment par les prières pour les défunts et les legs.
La constitution de monastères isolés et soucieux
d'autonomie dans des époques troublées était bien
compréhensible, toutefois l'émergence d'un clergé
'professionnalisé' et possédant est bien paradoxale en
regard du message bouddhique. Le Japon a vu également
l'apparition de personnels religieux armés et turbulents
difficiles à gérer. Dans de nombreux écrits,
Nichiren déplore et condamne ces tendances à
l'enrichissement et
à l'attrait du pouvoir chez certains éléments du
clergé bouddhique. De la même
façon, on distingue quatre sortes
de moines qui sont définis par le Bouddha lui-même lors de
l'un de ses derniers prêches. Il use pour les désigner de
l'expression sramana
(沙門那, shamonna, shamenna couramment
abrégé en 沙門, shamon, shamen) qui indique un
religieux qui a quitté sa famille pour se livrer à une
ascèse. Il s'agit des vainqueurs de la voie (勝道沙門, shodoshamon, shengdaoshamen), des
enseignants de la
voie
(説道
沙門, setsudoshamon, shuodaoshamen), de ceux qui
vivent la voie (活道沙門, katsudoshamon, huodaoshamen) et enfin de ceux
qui polluent la voie (汚道沙門, odoshamon, wudaoshamen). On voit la
décôte qui fait que l'on passe des religieux excellents
à ceux qui maîtrisent la pratique et la doctrine puis
à ceux qui font correctement leur devoir pour finir avec ceux
qui amènent désordre et confusion.
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