Contexte historique de la création de l’école Tiantai
Situation politique Ce sixième siècle qui vit la création du Tiantai est l’une des périodes les plus troublées de l’histoire de Chine. C’est la fin de la période des dynasties du Nord et du Sud (南北朝時代). Au nord, la dynastie des Wei du Nord 北魏 (386 à 534) résultait de la prise du pouvoir par les Tabgatchs (Tuoba), éleveurs nomades originaires de la Mandchourie méridionale. Après la conquête du nord de la Chine, ils se sinisèrent rapidement. Peut-être trop d’ailleurs, car cela devait amener la rébellion de leurs garnisons des steppes puis, en 534, la scission de la dynastie en deux royaumes opposés, les Wei occidentaux (西魏) et les Wei orientaux (東魏). En 550 les Wei orientaux sont défaits par les Qi du Nord (北斉) et sept ans plus tard, les Wei occidentaux sont chassés par les Zhou du Nord (北周). C’est un allié de ces derniers qui refonde l’unité chinoise en 589 (dynastie Sui, 隋). Au sud, la dynastie des Liang 梁 (502 à 557) avait amené une relative prospérité. Mais l’enrichissement et les goûts de luxe de l’aristocratie la poussèrent à un raffinement des mœurs nuisible à son autorité. Un aventurier, Houjing, prit le pouvoir pour fonder l’éphémère dynastie Han. Il fut lui-même renversé par un de ses généraux qui en 557 établit la dynastie Chen 陳 qui après des luttes internes fut annexée par la nouvelle dynastie nationale des Sui 隋 (589). Toutes ces guerres civiles eurent une influence certaine sur les fondateurs du Tiantai comme sur les autres penseurs de cette époque. Devant les désordres du siècle, plusieurs d’entre eux étaient enclin à s’éloigner du monde et de l’action politique et donc à délaisser les idéaux confucianistes pour se rapprocher de courants plus philosophiques et introspectifs tels que le bouddhisme ou le taoïsme. Pour les bouddhistes, ce monde livré à la destruction et au fracas des armes semblait être celui de la fin de la loi que le Bouddha avait prophétisée. Les puissants convertis au bouddhisme, tel l’empereur Wu des Liang ou la douairière Ling des Wei du nord, menaient une politique sans scrupule qui souvent conduisait le pays à sa perte. Le clergé établi leur était lié. De plus, de 574 à 577, au nord, l’empereur Wu des Zhou voulut éradiquer le bouddhisme et les persécutions furent nombreuses. L’école Tiantai est née dans cette période de violences extrêmes. Les pérégrinations de Hui Si s’expliquent en partie par sa volonté de fuir les zones de guerre. Encore enfant Zhiyi vit les siens se faire massacrer. De plus les localisations des centres de l’école, dans des lieux isolés et montagnards, s’expliquent non seulement par la tradition chinoise qui affectionne ce genre de lieux de retraite et d'élévation, mais par la volonté de s’écarter des voies de communications et des agglomérations. Le bouddhisme en Chine au VIe siècle D’après
les traditions chinoises, c’est au premier siècle de
notre ère, qu’à la suite d’un rêve,
l’empereur Ming aurait envoyé une ambassade en Asie
centrale pour rapporter des objets et textes sacrés
bouddhiques. Il est cependant probable que depuis deux siècles
la nouvelle religion avait commencé de se répandre
à
une petite échelle en Chine. Au VIe siècle,
les
principaux courants de la pensée bouddhique sont connus des
chinois. De 402 à 409 après tout un périple, en
partie involontaire, le moine Kumarajiva
entreprend à Chang an
une œuvre impressionnante de traduction des sutra et des
traités. Il donne des cours, forme des disciples et
écrit. Ces multiples travaux permettent d’adapter la pensée bouddhique à l’expression du chinois écrit. Kumarajiva fixe le vocabulaire des termes bouddhiques qui souvent jusqu’alors provenait d’emprunts au langage taoïste ; cela d’ailleurs créait une certaine confusion entre les deux doctrines. La qualité de la langue des traductions de Kumarajiva a également assuré à ces textes leur diffusion et leur reconnaissance. A sa mort, ses nombreux disciples durent se disperser et, peu à peu, selon les clivages géopolitiques de l’époque deux types de bouddhisme se développèrent en Chine. Au sud, un bouddhisme à tendance spéculative vit même une émergence locale du courant de Nagarjuna sous le nom d’école des Trois Traités (三論宗, sanronshu, sanlunzhong). Au nord, le bouddhisme demeura plus dévotionnel comme en témoignent les principaux courants d’alors : l’amidisme, le culte messianique du bodhisattva Maitreya ou la pratique du dhyana (禪, zen, chan).
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