Réponse à dame Onichi


王日殿御返事


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Onichidono gohenji, Showa teïhon p. 1853







  Cette lettre a été écrite en 1280. Elle est également connue sous le nom de Onichinyo dono gohenji. On ne sait quasiment rien sur sa destinataire sinon qu’elle connaissait Nissho , qui est appelé ici  moine Ben ( Ben no bo), puisqu’elle lui avait confié un don de trois cents pièces pour Nichiren.

  Dans cette courte réponse, Nichiren traite tout d’abord de ce que représente l’offrande dans le bouddhisme et évoque le don, par un enfant qui ne possédait rien, d’un gâteau en sable pour le Bouddha. L’accent est mis sur la pureté du geste d’offrir et non sur ce qui est offert, le sable étant évidemment non comestible. C’est le geste qui consiste à donner qui est loué et non la valeur de la chose offerte. L’exemple de la pauvre femme qui donna sa chevelure est également cité. Le don est donc une pratique fondamentale du bouddhisme. Toutefois, c’est une pratique que l’on ne peut pas accomplir simplement d’une façon pécuniaire et en aucun cas, la pratique du don ne peut être prônée eu égard à un résultat d’ordre économique. De nombreux textes, la Lettre de Sado (Sado gosho) par exemple, rappellent que ce que l’on donne pour la propagation de la loi bouddhique est souvent partie de soi et que c’est en premier ses efforts, son temps, sa réflexion voire sa propre vie.

  Rappelons que la communauté des moines (sangha), qui est l’un des trois trésors, ne peut exister que grâce aux dons des laïcs. A l’origine le Bouddha lui-même pratiquait la mendicité, c’est-à-dire qu’il faisait la quête de sa nourriture en allant de maison en maison. Les moines bouddhistes étaient désignés comme étant des bhiksu (biku), des moines mendiants. Leur simple survie, leur alimentation, dépendait de donateurs. Les besoins de cette communauté de moines étaient cependant fort réduits car ils vivaient dans une grande frugalité. Ils ne faisaient qu’un repas par jour, ne possédaient pratiquement rien et comme ils étaient itinérants, ils n’avaient pas de toit. De riches laïcs avaient fait don au Bouddha de sortes de parcs, proches des villes, où la communauté pouvait se reposer durant la saison des pluies. Quelques huttes ou abris y avaient été montés.

  L’accroissement du nombre de fidèles et la nécessité de constituer des monastères pour la formation du clergé vont amener des changements. Au fil du temps, on assiste à une sédentarisation des moines et à une plus grande implication sociale (cérémonies funéraires, prières pour le repos des défunts). Le bouddhisme chinois voit se constituer de grands monastères de plusieurs bâtiments, certains ayant pratiquement la taille d’une ville. Des terres arables sont données à ces monastères. De plus des offrandes sous forme de monnaie ou de métaux précieux sont offertes par les croyants, souvent pour la fonte de statues. A ce point, nous sommes bien loin des conditions des origines. Les persécutions occasionnelles que certains empereurs chinois ont fait subir au bouddhisme reposaient sur leurs convictions religieuses ou philosophiques mais aussi sur des considérations économiques. La richesse de quelques monastères mais aussi la concentration trop importante du métal précieux qui servait de monnaie, et par là-même sa non circulation, étaient jugées nuisibles.

  Nichiren a beaucoup critiqué cette sécularisation, on pourrait presque dire la "professionnalisation" du clergé bouddhiste. Il en parle tantôt avec une ironie mordante et tantôt avec indignation. Par exemple, dans la Réponse à Matsuno, il dénonce les moines de son époque avec des mots très durs, qui laissent entendre que le principal souci de ces prêtres est de se garder attachés leurs laïcs, source de leur subsistance et de leur confort. "Afin que leurs laïcs ne se rapprochent pas d'autres prêtres, ils usent d'innombrables calomnies et tiennent ainsi leurs ouailles à l'écart. Leur coeur est semblable à un chien qui, après avoir trouvé quelque nourriture dans une demeure, voit survenir l'un de ses congénères et gronde, prêt à mordre". Dans les critiques qu’il adresse à ce clergé c’est souvent d’ailleurs l’aspect animal, dans sa recherche continuelle de sa subsistance, qu’il dénonce. En même temps il compatit aux souffrances et aux privations qui permettent d’entretenir ce clergé et de bâtir de nombreux temples qui ne donnent que l’apparence de la diffusion des enseignements bouddhiques : "temples, pagodes, monastères et sanctuaires sont devenus demeures des artifices démoniaques et les vagues de leurs toitures ne valent que par les dépenses de l'Etat et les larmes du peuple" (Lettre à Niike).

  Dans ce contexte, il est intéressant de revenir aux sources du bouddhisme, du temps où le Bouddha lui-même était un moine mendiant. L’objectif essentiel était de permettre à la communauté des moines de subsister de façon à ce que ses membres puissent avoir le temps de pratiquer et d’enseigner la loi bouddhique, mais en aucun cas il n’était de constituer une église puissante financièrement. L’offrande n’est pas un acte économique, c’est un acte de foi. "La vénération envers le Bouddha ne s’exprime pas selon les choses" [que l'on offre].

 Pour suivre l’enchaînement des idées dans le dernier paragraphe, il faut se rappeler que l’écriture chinoise est, à l’origine, constituée de pictogrammes, ici appelés caractères. Ces pictogrammes sont, en partie ou en totalité, constitués de symboles graphiques qui reproduisent de façon simplifiée l’objet qu’ils sont censés représenter. Nous avons donc entre l’écriture et le monde un rapport beaucoup plus étroit que dans nos langues dont la forme écrite est une fixation du langage au moyen des lettres. Ainsi lorsque Nichiren dit : "Une femme en se transformant devient le caractère myo", il faut préciser que la clef du caractère myo () est le caractère "femme"(,  moitié gauche du caractère). Nous avons donc une sorte de glissement qui fait que le caractère d’écriture employé, de par sa graphie, évoque immédiatement des correspondances particulières. Nous trouvons dans ce dernier paragraphe, un exemple de la mystique propre au Sutra du lotus et qui est apparue avec l’école Tiantai en Chine. Dans les conceptions de ce courant chaque être, chaque chose, ce que le bouddhisme appelle les dharma, possède la nature de bouddha. On pourrait dire, tout est participatif de l’éveil. Et cette nature d’éveil, présente en toute chose, entre ici dans un processus où se manifestent les transformations de la plante jusqu’à devenir aliment de l’homme, de l’homme en éveillé, de la femme en incarnation du caractère myo et de myo en bouddha, représentation de l’image de la vénération.


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